TECTONIQUE de la REGION de BOURG D’OISANS
Thèse de Thierry
11/04/05
Les travaux ont été réalisés dans le cadre d’une thèse patronnée par MM Gidon et Barfety : elle traite de l’interprétation de la tectonique du bassin de Bourg d’Oisans (carte géologique de La Mure).
Les massifs cristallins externes dauphinois sont désormais interprétés comme d’anciens blocs basculés individualisés sur la marge européenne lors du rifting jurassique de la Téthys ligure. Au col d’Ornon (versant E de Belledonne et du Taillefer), il existe un affleurement de gros blocs de basalte. L’abrupt de ce versant existait déjà au jurassique, la faille du col est donc une nouvelle faille ayant contribué à séparer le Rochail du Taillefer et du Grand Armet. Il en est résulté une interprétation en blocs basculés s’insérant dans la ré interprétation de la formation des Alpes (marge continentale et blocs basculés).
F : faille d’Ornon
coupe selon A
Le travail consistait en la mesure des caractéristiques des failles des secteurs du col d’Ornon, du lac du Vallon et de Chantelouve pour déterminer les vecteurs de contrainte ayant entraîné leur formation et le basculement des blocs ; il s’agit donc d’une approche tectonique du relief plutôt que stratigraphique.
I – LES RELEVES.
Pour faire cette analyse, il a été nécessaire de faire les mesures des caractéristiques des failles du secteur. Pour chaque faille, il s’agissait de relever :
1 – l’azimut du plan de faille ( 0 - 180°) angle de l’horizontale du plan de faille avec le N (boussole).
Exemple : N10 ou N90(E – W).
2 – Pendage du plan de faille (0 – 90°) qui est l’inclinaison du plan de faille par rapport à l’horizontale. Comme l’azimut et le pendage ainsi mesurés définissent deux plans, il faut identifier le regard du plan de faille (par rapport à la rose des vents).
3 – pitch de la faille. Il s’agit d’examiner le plan de la faille pour déterminer le sens du mouvement. L’analyse des tectoglyphes (stries, fibres de recalcification, fractures annexes de Riedel) permet cette détermination. C’est la mesure la plus délicate, elle permet de déterminer l’angle du mouvement de la faille avec le N (exemple 20N : 20° vers le N). Cette analyse permet aussi de déterminer si la faille est dextre, sénestre, normale ou inverse. Les angles sont mesurés dans le sens horaire.
Exemple de fractures annexes servant à déterminer la direction du mouvement (les fractures de Reidel sont en sens inverse du mouvement).
Le compartiment du haut est parti vers la droite.
II – TRAITEMENT des MESURES.
La campagne de mesures a été suivie d’un traitement statistique des résultats par la méthode des dièdres droits (analyse structurale).
A – Principe, canevas stéréographique:
Il s’agit de reporter les résultats des mesures de chaque faille sur un canevas stéréographique qui permet de déterminer l’orientation du vecteur des contraintes à l’origine de la faille.
C’est la projection d ‘un hémisphère sur le plan (pour nous l’hémisphère S), le plan de faille est représenté par son intersection avec cette sphère. Il existe deux types de canevas de ce type : les canevas de Wolff conservent les angles et les canevas de Schmidt conservent les aires.
B - Exemple d’utilisation de ce canevas.
Données de l’exemple :
Azimut : N60
Pendage 30°NW
Pitch 20° S
Figure a: Le décalage de 60°N représente l’inclinaison du plan de la faille par rapport à la direction du N. L’intersection du plan de la faille avec l’hémisphère sera donc un arc de cercle (projection d’un grand cercle sur la sphère) passant par le point A. A ce stade, il y en a une infinité de plans possibles.
Figure b : Le plan de faille a un pendage de 30°NW, si l’azimut était nul, l’intersection du plan de faille avec l’hémisphère donnerait l’arc de cercle de la figure b.
Figure c : comme l’azimut est de 60° N, il faut donc faire faire une rotation dans le sens horaire de 60° à l’arc de cercle de la figure b pour qu’il passe par A et qu’il représente bien un plan de faille d’azimut N60 et de pendage 30°NW.
Figure d : le pitch est de 20°S. L’arc de cercle en pointillé de la figure d représente le plan de faille avec un azimut nul. On peut placer sur celui-ci le point correspondant à un pitch de 20° S et le reporter ensuite sur l’arc de cercle continu représentant notre exemple.
Le mouvement représenté est celui d’une faille dextre. (pourquoi ? l’info est contenue dans le pitch 20°S mais je ne vois pas comment ? Si vous le savez, ne me laissez pas mourir idiot !).
Si j’ai bien compris, le point C représente l’intersection entre la sphère hémisphère sud et le vecteur représentant la direction du mouvement de la faille.
C – Méthode des Dièdres droits.
Ayant déterminé géométriquement le plan de faille et représenté celui ci par un arc de cercle sur le stéréogramme, on peut déterminer l’orientation de la contrainte principale qui est dans le plan perpendiculaire au plan de faille appelé plan auxiliaire.
Sur le stéréogramme, la marque de ce plan perpendiculaire est l’arc de cercle obtenu en faisant tourner de 90° l’arc déterminé ci dessus.
Les deux plans perpendiculaires déterminent 4 secteurs correspondants alternativement à des zones en compression (C) et en distension (D). Le barycentre du secteur C sur le stéréogramme donne la direction de la contrainte maximale σ1 et le barycentre du secteur D donne la direction de la contrainte minimale σ3 (d’oω la représentation schématique avec un cercle et des secteurs noircis ou non indiquant la direction).
D - Applications de cette méthode aux failles du bassin de Bourg d’Oisans.
Cette détermination des directions de σ1 et σ3 a ιté faite pour toutes les failles dont les caractéristiques avaient été mesurées. La direction de σ recherchée correspond à l’intersection de toutes les aires en compression (heureusement, ces calculs se font par ordinateur).
Lorsqu’il n’y a pas recouvrement des surfaces C ou D pour toutes les failles mesurées et analysées, cela signifie que ces failles ont pour origine des contraintes différentes. Le programme de traitement est prévu pour faire le rejet des mesures non cohérentes entre elles.
Dans le cas présent trois aires distinctes ont été mises en évidence, elles correspondent à trois phases où des failles ont joué sous l’action de contraintes différentes. Ces directions sont :
figure 1
2 - Accidents du lac du Vallon
figure 2
A :a - socle cristallin b - brèches, pélites et dolomies c – pélites et dolomies d- basaltes alcalins et cendres volcaniques
e – calcaires lumachelliques et oolitiques f – calcaires à entroques g – marnes et calcaires marneux à ammonites
B : succession sédimentaire avec coulées basaltiques épaisses et Hettangien corrélativement réduit (N du lac du Vallon)
C : exemple de demi graben observé au N du lac du Vallon
3 - Faille du col d’Ornon.
figure 3
III - Chronologie.
La tectonique de la région ayant connu trois phases correspondant à trois familles de failles orientées N – S, NE – SW, ESE - WNW, il se pose le problème de leur chronologie. A-t-on affaire à une phase multidirectionnelle ou à la superposition de phases unidirectionnelles ? Pour dater des failles, il est fait appel à la stratigraphie des lieux concernés et plus particulièrement aux sédiments de la couverture sédimentaire.
stratigraphie simplifiée du demi graben de Bourg d’Oisans (Prégentil)
La succession sédimentaire (figure ci dessus) montre au dessus du socle cristallin : 1 – grés et dolomies trias moyen – sup et coulées de basaltes alcalins (spilites trias sup). 2 – calcaires à lumachelles (hettangien). 3 – calcaires micritiques et marnes à ammonites et bélemnites (sinémurien à carixien). 4 – calcaires argileux noirs (toarcien). 6 – calcaires argileux noirs et argilites noires (aalérien). 7 – argilites carbonatées à intercalation de turbidites gréseuses (bajocien). 8 – marnes noires (terres noires - oxfordien). 9 – calcaires argileux, grés calcaires pélagiques (tithonique – berriasien).
1 – rochers d’Armentier.
La faille a un rejet de 30m ; le socle cristallin et sa couverture triasique sont affectés par un système de failles normales mais le lias sus jacent n’est pas affecté (fig1A). La figure 1C montre deux directions principales de ces failles N060-070 et N110-120, la figure 1B montre l’orientation N-S des contraintes. L’observation détaillée d’une de ces failles normales N070 d’un rejet max de 20m et du remplissage sédimentaire du demi graben montre une tectonique synsédimentaire contemporaine du dépôt des dolomies triasiques.
Cette faille correspond au rifting avorté de la fin du trias au début de la formation des Alpes.
2 - Lac du Vallon.
Des coulées triasiques de basalte sur le flanc W du Rochail près du lac du Vallon sont coupées de failles normales orientées NNW-SSE à N-S. Les mesures donnent une direction d’extension NE-SW (fig 2D,E). Le basculement consécutif au fonctionnement de ces failles a pu être stratigraphiquement daté grace aux discordances superposées et aux onlaps, du début du lias (Hettangien à Sinémurien) fig 2C.
3 – Faille d’Ornon.
Au S du col d’Ornon, au village de la Chalp de Chantelouve des méga brèches et des olistolites de matériaux variés (cristallin, dolomies, spilites triasiques et calcaire du lias) sont accumulés. (Olistolites : gros blocs d’une masse glissée qui sont emballés dans le sédiment en cours de dépôt, ces blocs sont empruntés au front d’une nappe de charriage ou d’une faille de formation d’un demi-graben lors de sa mise en place dans un bassin sédimentaire par suite de leur glissement gravitaire sur le fond de ce bassin). Cette faille d’orientation N – S à NE -SW (fig 3C) correspond à une contrainte SE-NW.
Les rejets des deux premiers types de failles sont décamétriques, kilométrique pour le troisième. Cette dernière, par son rejet et par les mégabrèches et olistolites pris dans une matrice type lias schisteux témoignent d’un fonctionnement paroxysmal à cette époque. Cet événement pourrait être l’épisode majeur de la structuration de la marge téthysienne. Cette distension se poursuit jusqu’à la base du tithonique, ensuite il n’y a plus de terrains influencés par la faille.
IV – INTERPRETATION.
Vu cette chronologie, le modèle de contraintes tridimensionnelles qui a eu cours est dépassé.
On retrouve ces directions de failles dans la région Grandes Rousses Rochail, sur la bordure orientale de Belledonne Taillefer et sur le plateau d’Emparis. L’empreinte du rifting avorté du trias (les failles contemporaines du dépôt des dolomies triasiques correspondent à ce rifting avorté). On retrouve des failles de même orientation correspondant à cette même phase en Europe et en Afrique du Nord, ceci prouve qu’il n’y a pas eu de rotation de blocs.
Il y a un problème d’interprétation de certaines failles du secteur du lac du Vallon qui présentent la superposition (spatiale et chronologique) de deux des champs de contraintes précédemment identifiés. Comme la rotation dextre de 70° du bloc Grandes Rousses Rochail est difficilement envisageable, c’est la direction de la contrainte qui a évolué au court du temps. Dans la région S des Ecrins, il y a eu un épisode volcanique particulier annonçant le rifting téthysien. Des dolérites (coulées de basalte) en échelons caractéristiques de failles décrochantes présentent la même direction de s 3 que celle du secteur du lac du Vallon qui est la même que celle de la faille d’Ornon mais dans le cas des failles du lac du Vallon s 1 est dans le plan horizontal. On est donc en présence d’une faille décrochante. Conséquence localisée dans un système de décrochement qui évolue vers s 1 vertical lors du rifting téthysien entre le lias inf et le lias sup.
Ce modèle local se retrouve dans la région Rhône Alpes et dans d’autres régions ayant eu un rifting continental : il y a toujours un épisode décrochant avant l’épisode distensif (fossé rhénan, lac Baïkal, golfe de Suez). Il est à remarquer que la plaine de Bourg d’Oisans a la forme d’un bassin losangique (décrochement) comme les bassins de La Mure et de Chamonix.
Ces mesures et leur interprétation permettent d’établir un modèle cohérent avec celui de la formation d’autres riftings continentaux. Lors de la création d’un rifting, il y a une première phase de décrochement suivie d’une deuxième phase de distension pure. La phase de décrochement est associée d’un volcanisme alcalin, l’approfondissement de la mer, limité dans la première phase augmente dans la deuxième avec le basculement des blocs lors de la distension pure.
Ci dessous, le schéma de l’évolution tectonique du bassin de Bourg d’Oisans que l’on peut déduire de ce modèle.
Comparaison de l’histoire tectonique de la marge passive européenne et de celle du golfe de Suez.