07 PRISMES D’ACCRETION
13/03/06
Le phénomène d’accrétion est abordé en géologie lors de la formation de la Terre, au niveau des dorsales océaniques et des subductions.
Les prismes d’accrétion sédimentaire (ex arc sédimentaire ainsi appelé par opposition avec l’arc volcanique) sont des structures tectoniques associées aux subductions au niveau des marges actives.
Les bassins avant arc sont appelés ainsi en référence à l’arc volcanique: exemple de la mer Tyrrhénienne ou de la subduction dans l’Atlantique central avec l’arc volcanique de la Guadeloupe et de la Martinique et son bassin arrière arc de la mer des Caraïbes mais ce bassin existait auparavant. L’arc volcanique est venu s’ajouter.
Le prisme d’accrétion obstrue la fosse de subduction et plus le prisme est large plus il obstrue la fosse.
La notion de prisme d’accrétion a été introduite en 1975 dans la foulée de l’introduction de la théorie de la tectonique des plaques.
Types de subduction.
Il y a deux types de subduction, dans un cas la marge active est en érosion, dans l’autre cas un prisme d’accrétion se développe devant la marge.
Lorsque la marge est en érosion, la subduction érode par en dessous la marge du dessus et il n’y a pas de prisme d’accrétion (ex de la cote de Bolivie). Il y a amincissement de la marge supérieure à laquelle des lambeaux sont arrachés, ces lambeaux ne s’enfoncent pas et vont s’accumuler plus loin sous la plaque continentale qui se soulève (ex du soulèvement de l’altiplano). Ce phénomène d’érosion se produit lorsque l’angle de subduction est faible y compris quand la subduction se produit en intraocéanique avec un angle faible.
Là où des prismes d’accrétion se forment devant la marge, l’angle de subduction est nettement plus important. Au Pérou, la plaque de Nasca très jeune s’enfonce difficilement avec un angle faible, la marge est en érosion, par contre à la Barbade c’est le plus vieux plancher océanique atlantique qui s’enfonce de lui-même avec une pente forte et l’arc sédimentaire est important.
Souvent dans le cas d’une subduction intraocéanique, de la lithosphère océanique ancienne passe sous de la lithosphère océanique plus jeune, elle s’enfonce avec un angle important (supérieur à 45°) et il y a formation d’un prisme d’accrétion en plus de l’arc volcanique. Un bassin marginal se crée entre les arcs sédimentaire et volcanique voire avec le continent. Dans ce cas, l’analyse des séismes montre un mécanisme de distension au foyer alors que les séismes liés aux marges en érosion montrent plutôt un mécanisme de compression. Le vieux plancher océanique qui entre en subduction par son propre poids s’alourdit en refroidissant, il est aussi alourdi par un épaississement par en dessous dû aux couches supérieures du manteau qui refroidissent et s’intègrent à ce plancher océanique. Lorsque la subduction est provoquée par la fermeture de l’océan, la cassure ne se produit par au sein du plancher océanique mais plutôt au niveau de la dorsale ou du raccordement entre le plancher océanique et la marge continentale.
On recense 3 catégories de marges :
Lorsque la subduction se produit sous la lithosphère continentale (exemple du continent sud américain), l’angle est plus faible (de l’ordre de 20°) mais il n’y a pas nécessairement formation d’un prisme d’accrétion. Le magmatisme est important et il y a formation d’une chaîne liminaire. Quand il existe, le prisme d’accrétion se forme entre la fosse et l’arc volcanique, il est formé de plis et écailles chevauchantes à vergence océanique mais cette structure est souvent masquée par des glissements de terrain. (Remarque : la vergence désigne le sens du mouvement lors d’un déversement ou d’un charriage, ce mouvement est relatif et dans le cas présent il intéresse les écailles successives constituant le prisme. La vergence est opposée au pendage). Les écailles du prisme ont un mouvement relatif d’avancée vers l’océan.
Le modèle de formation des prismes d’accrétion par empilement d’écailles qui se mettent en éventail, les plus récentes sous les plus anciennes qui se trouvent ainsi soulevées et verticalisées est appelé offscrapping.
Le fait que les écailles les plus anciennes se trouvent remontées à la verticale favorise les glissements gravitaires qui masquent le structure et forment des turbidites. Le masquage est alors en discordance angulaire avec la structure. Dans ce modèle, les sédiments sont apportés par la plaque plongeante.
Sur le pourtour du Pacifique, les volumes des prismes d’accrétion calculés avec ce modèle de offscrapping devraient être beaucoup plus importants que constaté : soit le offscrapping n’a pas fonctionné dés le début de la subduction, soit tous les sédiments ne sont pas concernés par l’offscrapping (les sédiments les plus profonds s’enfoncent avec le plancher océanique).
Dans les prismes, on retrouve des sédiments d’origines différentes mélangés par la tectonique. Il y a bien sûr les sédiments de la plaque océanique, les turbidites associées aux remaniements gravitaires mais aussi des lambeaux de plancher océanique et des îles ou des volcans qui existaient sur la plaque qui s’enfonce et qui ont été étêtés lors de la subduction (même processus que pour le Djebel Micht ou pour les plissements de radiolarites en Oman).
Dans certains prismes, on retrouve aussi des sédiments provenant de la plaque supérieure par exemple des débris de l’érosion de l’arc volcanique mais aussi de la plaque continentale elle-même. Dans certains cas, ces débris de la plaque supérieure peuvent être les plus importants, le modèle d’offscrapping n’est alors plus applicable.
Exemple au SE d’Acapulco, un tiers des sédiments s’enfonce dans la subduction sans entrer dans la structure du prisme, ces sédiments entraîne une quantité significative d’eau qui provoque un volcanisme calco alcalin.
Il y a aussi des cas où tous les sédiments s’enfoncent dans la subduction et le prisme n’est constitué que des produits de l’érosion de la marge continentale qui viennent s’accumuler dans la fosse de subduction. Dans ce cas toutes les écailles ont le même pendage.
Les dépôts dans la fosse sont gorgés d’eau et sous l’effet du poids des couches supérieures les couches inférieures peuvent fluer en une forme de diapirisme.
Il y a aussi un mode de forme de prisme d’accrétion dans lequel les sédiments sont partiellement entraînés dans la subduction : une partie de ces sédiments se détachent progressivement en une forme de sous plaquage. Cet underplating contrarie le relèvement progressif des écailles offscrappées
Dans le N de la Colombie, présence d’une subduction oblique donnant naissance à un prisme en échelons : c’est une juxtaposition horizontale de séquences sédimentaires sans lien entre elles
La présence du prisme d’accrétion provoque une migration de la fosse de subduction voire sa disparition, il ne reste alors que le pied du prisme. Celui ci peut occasionner la formation de petits bassins sédimentaires : bassin avant arc entre les arcs volcanique et sédimentaire mais aussi entre deux écailles : des dépôts en discordance angulaire sont alors observables.
Les schistes lustrés observés dans le Queyras sont les produits d’érosion d’anciens prismes d’accrétion éparpillés lors de la collision alpine.
20/03/06
CLASSIFICATION des PRISMES D’ACCRETION
Il y a deux classifications selon des critères différents.
1 – Classification des prismes selon leur évolution dans le temps : Dickinson (1977)
Stade A : le prisme se forme en bordure d’un océan en cours de fermeture et très loin de la fermeture complète. Exemple des Caraïbes ou du Pacifique.
Stade B : Lorsque le plancher océanique n’a plus qu’une largeur de l’ordre de 200km, les matériaux constituant le prisme sont de plus en plus détritiques. Exemple de la Méditerranée ou de l’Indonésie
Stade C : fermeture presque complète, il ne reste plus qu’un petit domaine océanique : le prisme est de plus en plus détritique. Exemple des Apennins.
Stade D : fermeture complète, le prisme passe au-dessus du continent qui commence à entrer en subduction à la suite du plancher océanique. Exemple des Silawiks dans l’Himalaya et du bassin sud Pyrénéen.
Il y a de fortes similitudes entre les prismes d’accrétion en stade D et les nappes de charriage. Dans ce dernier cas, le rabotage de la couche inférieure est plus marqué que dans le cas de l’offscrapping.
2 – Classification selon l’origine des matériaux de constitution Mascle (1984)
Prisme constitué de sédiments océaniques, comme le plancher océanique est de grande profondeur, il y a peu de sédiments (CCD vers 4000m) ce qui donne des prismes d’ampleur modeste avec peu d’apports détritiques.
Il y a plus de sédiments et des apports conséquents de débris d’érosion provenant de la marge indonésienne (50/50).
Exemple de la Barbade. Apport principal et important de sédiments provenant de la plaque plongeante et apport modeste de la plaque chevauchante.
Il n’y a plus de plancher océanique. Peu d’apport de la plaque plongeante, la majorité de l’apport résulte de l’érosion de la plaque supérieure.
EXEMPLE du prisme sédimentaire de la BARBADE.
Les volcans de l’arc volcanique sont calco alcalins, beaucoup sont appelés " Soufrière ", il y a aussi la montagne Pelée. Les laves sont des andésites, elles sont très visqueuses car il y a eu un fort dégazage avant la sortie. Le caractère explosif des volcans liés aux subductions s’explique par l’entraînement d’eau jusqu’à des profondeurs correspondant à des températures élevées, lors de la remontée, il y a explosion lorsque la pression dans le magma n’est plus suffisante pour contenir la vapeur d’eau.
Sous le poids du prisme d’accrétion, les deux cotés du plancher océanique fléchissent auprès de la jonction.
Des sondages ont été réalisés, ils montrent que seule la partie supérieure de la couche de sédiments océaniques entre dans la constitution du prisme, ils montrent aussi sa constitution en écailles qui se chevauchent par en dessous. La raison pour laquelle seule la partie supérieure de la couche de sédiments est décollée est peut être une moindre induration que les couches inférieures qui sont plus adhérentes sur le plancher océanique.
Le forage F3 a servi de référence, F2 a montré que seules les couches de miocène moyen à pléistocène étaient concernées par la formation du prisme et F1 a montré la répétition des couches séparées par des failles inverses. L’ordre de grandeur de ces forages est de 500m, ils ont été accompagnés de profils sismiques.
Le forage F3 a traversé les série sédimentaires jusqu’au plancher (basalte). Ces séries sédimentaires n’étaient pas déformées, présence de couches de cendres volcaniques notamment au miocène qui est probablement la période du début des manifestations volcaniques de la subduction. La présence de couches de radiolarites prouve que le plancher océanique a été plus bas que la CCD (4000m).
Les forages F2 et F1 vont jusqu’à la couche du miocène moy à partir de laquelle il n’y a plus de déformation des sédiments. Au-dessus, ceux ci sont très déformés et F1 montre le redoublement des couches séparées par des failles inverses.
L’arc volcanique a une forme d’arc de cercle, la fosse de subduction étant à l’extérieur de cet arc. Ceci signifie que le plan de Benioff est relevé sur les bords, un peu en forme de cuillère concavité vers le haut. Ceci peut s’expliquer par des effets de bord
A Java Sumatra, il y a un cas extrémité de marge en érosion où celle ci a atteint un niveau d’érosion conduisant à l’effondrement de la marge.
Il y a une généralisation de la notion de prisme d’accrétion aux cas où, à l’intérieur d’un continent, suite à l’apparition d’une faille importante, une des deux lèvres s’engage sous l’autre. Ceci suppose que la faille concerne une grande profondeur de la croûte. Mascle considère ainsi que les Siwaliks sont un prisme d’accrétion qui s’est formé là où l’Inde s’enfonce sous l’Himalaya au niveau de la MBT. Le prisme est constitué des produits de l’érosion himalayenne transportés par le Gange ; on serait en présence d’une sorte de offscrapping avec cette fois un véritable rabotage des molasses qui forment ensuite le prisme. De même pour le versant sus pyrénéen avec des écailles proche de l’offscrapping suite à une sorte de subduction continentale. Le même type d’interprétation peut être fait pour les montagnes Foothills au Canada.
Le Jura est séparé des Alpes par le bassin molassique suisse. Le socle de l’avant pays alpin plonge sous les Alpes et sa couverture sédimentaire ne suit pas et forme un prisme avec les molasses qui sont des produits détritiques de la plaque chevauchante.
Dans quelle mesure ce schéma peut-il être appliqué à la Chartreuse et au Vercors ? Si tel est le cas, au niveau de la faille sous Belledonne il devrait y avoir un enfoncement de couches calcaires sous Belledonne mais aucun forage n’a été fait en vue de confirmer cette hypothèse. Le relief de la Chartreuse correspondrait au raccourcissement de la couverture sédimentaire. Le décollement de la couche sédimentaire se fait au niveau d’une couche plus ductile qui pourrait être dans ce cas les Terres noires ; il est peu probable que cela se passe au niveau du gypse triasique très présent dans la région car il n’a jamais été observé dans toutes les vallées et cavités de la Chartreuse : les couches les plus anciennes sont du dogger ou du malm, jamais au-delà.
Le profil sismique ECORS de Macon à Moutiers, donc un peu plus au N a été interprété. On y retrouve le même scénario que dans les Siwaliks avec des failles de décrochement comme la faille de l’Arcalod. Ces failles de décrochement sont à associer au mouvement antihoraire de l’Apulie (décrochements dextres).
profil ECORS
enfoncement possible du socle du Dauphiné sous Belledonne
Dans la Chartreuse, il y a de grands décrochements (environ SW – NE) obliques par rapport à Belledonne. Par ailleurs les plissements de la Chartreuse sont des plissements coniques. Toute cette description ( plis coniques et les failles qui peuvent être interprétées comme des failles de Reidell) correspond bien a un décrochement en oblique avec un sous charriage sous Belledonne.