CHAMROUSSE
27/06/05
I - Col de Balme.
L’accident médian de Belledonne passe à proximité du col mais n’est pas visible. De part et d’autre de ce col, Il y a :
- coté Recoin de Chamrousse, le rameau externe constitué de micaschistes riches en mica qui brille au soleil : la série satinée de Belledonne.
- de l’autre coté, le rameau interne avec la série verte de Belledonne constituée d’amphibolites. Elle se poursuit au sud avec la série verte du mont Tabor de Matheysine.
L’accident médian est un contact pétrographique qui remonte à la période viséenne au début du carbonifère, c’est le paroxysme de la tectonique hercynienne. Il a rejoué un rôle lors de la tectonique distensive alpine au jurassique. Le bloc basculé de Chamrousse se poursuit au S avec les Signaraux et le Taillefer et au N dans le massif des 7 Laux et du Mont Blanc (séparation du massif du Mont Blanc et des Aiguilles Rouges).
Il y a 3 manières de décrire géologiquement le site de Chamrousse :
à l’E l’Oisans avec des pentes très raides.
Cette géométrie est celle d’un bloc basculé qui est bien conservé avec une faille normale à l’E et un basculement vers l’W. Ce basculement du jurassique correspond au rifting occidental du cycle alpin.
Pour la présente sortie, c’est l’histoire hercynienne qui nous intéresse. Les roches hercynienne n’ont subi qu’un léger métamorphisme.
Cargneules : c’est de la dolomie. La dolomie dite primaire est une évaporite qui se dépose en mer peu profonde, probablement en présence de microorganismes. Dans certains cas, la dolomie est un calcaire avec des atomes Mg qui remplacent les atomes de Ca sous l’effet d’une circulation d’eau : on parle alors de dolomie secondaire.
Au col de Balme il s’agit de dolomie primaire qui s’est donc déposée dans un contexte d’évaporite. Dans le Briançonnais, on mentionne des calcaires dolomitiques, il s’agit de succession de couches de calcaire et de dolomie.
Les tufs sont des roches à trous, le CaCO3 précipite à la sortie d’une source en enrobant les éléments environnants. Ces roches sont plus légères et servent dans la construction. Si ces dépôts se font dans un lac, on parle alors de travertin.
Les cargneules ne sont pas des tufs car il n’y a des trous qu’à la surface.
Transformation d’une dolomie en cargneules :
1 – la dolomie est tectonisée, elle est fissurée et écrasée. Ceci crée un réseau de fractures plus ou moins orthogonales.
2 – les eaux séléniteuses (chargées en gypse) circulent dans les fissures et dissolvent CaCO3 et MgCO3. MgSO4 étant plus soluble, le calcium reprécipite dans les fractures sous forme de calcite et MgSO4 est entraîné par l’eau qui circule.
3 – l’érosion altère ensuite la dolomie plutôt que la calcite, forme des alvéoles là où il y avait de la dolomie en faisant apparaître le réseau de calcite déposée dans les fractures.
On trouve donc des cargneules là où il y a eu un épisode tectonique provoquant suffisamment de fractures. Dans le cas présent, les cargneules sont des témoins de l’activité tectonique liée à l’accident médian de Belledonne.
Au col de l’Izoard, on trouve des brèches et non des cargneules.
Présence de spilites à l’aiguille, sommet situé entre le Recoin et le col de Balme.
II – Arrêt en bas du couloir de Casserousse.
Présence de roches cristaux verts foncés et blancs plus ou moins orientés parallèlement: c’est une roche cristallophyllienne. Les parties blanches sont des plagioclases, les vertes des amphiboles (vert sombre hornblende) et absence de quartz. Ce sont des amphibolites. La datation à l’U, Pb de ces amphibolites montre qu’elles se sont formées par métamorphisme il y a environ 400Ma, soit la période hercynienne. La question qui se pose alors est de retrouver la nature de la roche qui a donné ces amphibolites par ce métamorphisme.
Ce couloir correspond au contact entre les amphibolites et les gabbros.
Présence de filons hydrothermaux (fentes alpines). Pour déterminer le minéral deux éléments sont importants : la composition chimique et le système cristallin.
Les filons blancs peuvent être du quartz. Il n’y a pas de quartz dans les roches environnantes, les minéraux blancs sont des plagioclases qui des silicates. Ils peuvent donc donner la silice nécessaire à la formation de filons de quartz.
Certains silicates sont calciques, ce qui peut libérer le calcium nécessaire a la formation de calcite. La calcite est plus clivée que le quartz, ils sont souvent mélangés dans les filons.
Le minéral vert est ici de l’épidote. De nombreux blocs présence de l’épidote plus ou moins cristallisée en paillettes.
On trouve aussi des cristaux de boro silicates vers le lac de l’Infernet, il est de couleur mauve, vieux rose : c’est de l’axinite.
Des cristaux de deux types de sulfures peuvent être trouvés : pyrite de fer et de la chalcopyrite (présence de cuivre FeCuS2, cette dernière est plus jaune avec des irisations rouges ou bleuâtres).
Présence de carbonate hydraté de Cu : malachite ou azurite.
Il est aussi possible de trouver de l’hématite mais on en trouve plutôt vers Allevard.
A noter la présence d’une belle anémone soufrée au milieu de cet éboulis. Cette anémone pousse dans les terrains calcaires ce qui n’est pas le cas ici. En fait, les plantes recherchent des éléments chimiques, du calcium dans le cas présent et ce calcium elle le trouve dans les produits d’altération des plagioclases calciques présents dans les amphibolites.
En remontant ce couloir, de nombreux blocs de gabbro contiennent des filons de basalte ou même de gabbros de texture différente. Pour deux gabbros de même composition chimique avec des cristaux clairs et foncés dans des proportions comparables, si l’un a de gros cristaux (centimétriques) il paraîtra clair alors que l’autre qui aura de petits cristaux (millimétriques) paraîtra sombre.
Origine des amphibolites.
Les gros cristaux de plagioclases calciques sont plus ou moins alignés. Ils proviennent donc d’une roche contenant de la silice et du calcium qui peut être sédimentaire (c’est alors une para amphibolite) ou déjà cristallisée (ortho amphibolite).
Dans le cas où cette roche d’origine serait sédimentaire (marne/argile calcaire) la transformation en amphibolite n’explique pas la formation de gros cristaux. La présence de gros cristaux de feldspath parfois mélangés a de plus petits exclut donc l’origine sédimentaire de cette amphibolite: nous sommes en présence d’une ortho amphibolite.
Cette roche d’origine cristallisée peut être un basalte contenant de gros cristaux de feldspath: l’ortho amphibolite serait issue d’un méta basalte.
Dans les filons, lors les cristaux de feldspath et de pyroxène ont des tailles comparables, la cristallisation est souvent complète et on est en présence d’un gabbro ; si la cristallisation est incomplète on est en présence d’un méta basalte.
III – COL DES 3 FONTAINES.
Le col des dans l‘axe des lacs Robert et de la vallée centrale de Belledonne qui part de Chamrousse et remonte jusqu’aux lacs du Doménon. La roche est noire a priori avec une matrice non cristallisée dans laquelle on voit quelques cristaux de pyroxène. Avec une loupe puissante ou un microscope, la matrice est constitué de cristaux allongés noirs: c’est de la péridotite serpentinisée (hydratée à chaud et sous pression) comme au col au début de la montée au Chenaillet. Cette roche constitue la vallée centrale de Belledonne dans cette zone, elle est plus altérable que les crêtes de gabbros disposées de chaque coté ce qui a conduit, par érosion, à la formation de cette vallée au nom de Belle (montagne) donne ( creusée au milieu). La bande de péridotite se poursuit au sud dans le Tabor de Matheysine (au col de la Chinarde, deux colonnes ont été extraite pour la cathédrale de Fourvière).
Information touristique : dans le SE de la France les moutons étaient appelés roberts en vieux français, d’où l’origine du nom des lacs Roberts. Par ailleurs les premiers robinets était ornés d’une tête de bélier d’où le nom dérivé de robert.
La vue sur Chamrousse et les massifs environnants (Grand Galbert, Grand Colon, Grande Lance de Doméne) montre bien la pénéplaine hercynienne qui a été peu déformée et basculée vers l’W avec le basculement de bloc.
IV – COL DE LA BOTTE.
Les gabbros sont totalement cristallisés (plagioclases et pyroxènes) ce sont des roches magmatiques plutoniques. Ces gabbros sont en partie supérieure et sont peu métamorphisés. Les pyroxènes sont gris foncé un peu brunâtre. Certains sont entourés d’aiguilles vert sombre d’amphibole ce qui est dû à une altération par hydratation plutôt qu’un métamorphisme.
Les pyroxènes ont leur atomes disposés en hélice, ceux des amphiboles sont disposés en double hélice. Vers 500°C en présence d’eau les pyroxènes se transforment en amphiboles dans les zones où la tectonique assure une pression suffisante.
En contre bas du col coté du col des Lessines, sur le bord du chemin, gros bloc de gabbro coupé en bas d’un large filon de basalte, de filons plus petits et d’une faille. Les cassures et décalages montrent que la chronologie est celle de la description.
Plus loin dans la même direction, présence de blocs de gabbro présentant de fortes foliations courbes et localisées. Ce ne peut pas être du métamorphisme car toute la roche aurait été soumise à la foliation. Ce gabbro a été déformé par la tectonique ductile synocéanique (pendant l’expansion du plancher océanique : de petites failles transformantes encaissent les légers écarts de vitesse d’expansion et ces gabbros étaient à la jonction de deux éléments ayant des vitesses légèrement différentes. Le gabbro vers 500 ou 600°C est assez ductile : cette roche est appelée un flazzer gabbro.
Au dessus, sur le versant SE du Manqué présence d’un éperon rocheux avec une lentille de couleur différente : cette lentille est de chromitite. C’est une roche cumulative qui s’est formée au fond de la chambre magmatique et contenant du Cr2O3. Le litage est uniquement gravitaire : ce sont les péridotites cumulatives qui déplacent le Moho lors des mesures de réflexion d’ondes. Tous les gisements de chrome connus appartiennent à des ophiolites et sont donc partie intégrantes de planchers océaniques.
V – SYNTHESE.
Durant la montée jusqu’au col nous avons rencontré tous les éléments constitutifs d’un plancher océanique: des gabbros, des basaltes, des roches coupées de filons, de la péridotite plus ou moins hydratée.
En montant, nous sommes géologiquement descendus au travers de ce plancher: il a donc été retourné. Les basaltes plus ou moins métamorphisés sont au niveau de la Romanche et les cumulats sont au dessus du col des Trois Fontaines. Par ailleurs, le métamorphisme est plus important en bas (comment le voit on ? présence d’amphiboles plus bas dans le couloir de Casserousse ?).
Nous sommes donc en présence d’un lambeau de plancher océanique pré hercynien. Ce plancher appartiendrait à un bassin qui se serait ouvert lors de la fermeture de l’océan Iapetus, fermeture qui a précédé la formation de la chaîne hercynienne.
Phase 1 :
Phase 2 : subduction intra-océanique
Phase 3 : subduction continentale avec formation d’un crochon en extrémité du lambeau de plancher océanique placé au dessus de la partie continentale entrée en subduction.
Phase 4 : métamorphisme HT puis cassure de la plaque continentale entrée en subduction. –350Ma.
Puis action de l’érosion : la chaîne hercynienne devient une pénéplaine. Début du rifting au jurassique.
Transgression et basculement des blocs.