Elles forment une chaîne E-W de 400 km de long, culminant au Pic d'Aneto (3400m) sur le versant espagnol. Elles se prolongent à l'W par la chaîne cantabrique, entièrement espagnole. A l'E, elles sont interrompues par l'effondrement récent du golfe du Lion mais une partie d'entre elles se retrouvent dans la chaîne provençale.
Les Pyrénées résultent de la collision du bloc ibérique et de la plaque européenne. Mais, avant la collision, le bloc ibérique n'avait pas sa position actuelle. Nous allons donc examiner d'abord les mouvements relatifs de ce bloc par rapport à l'Europe , mouvements qui sont en liaison avec l'ouverture de l'Atlantique N.
Pour cela il faut reconstituer les paléogéographies successives de cet Atlantique nord depuis le Crétacé inférieur en partant des bandes d'anomalies magnétiques liées aux bandes de basalte disposées symétriquement de part et d'autre de la dorsale. Elles représentent en effet la croûte océanique fabriquée de façon symétrique par cette dorsale
La plus ancienne de celles qui nous intéressent est l'anomalie J (Aptien, 110 Ma) qui n'existe qu'au large de l'Espagne, avec son symétrique sur l'autre côté de l'Atlantique. Si on enlève par la pensée tout ce qui est entre ces deux anomalies et qu'on les applique l'une sur l'autre, on rétablit en quelque sorte la dorsale de l'époque et l'on voit ainsi où se place l'Espagne par rapport à elle. On voit ainsi qu'à l'Aptien, l'Espagne était à 150 ou 200 km environ au NW de sa position actuelle.
Si on recommence l'opération avec les anomalies suivantes, dites 34 (Santonien, 80 Ma) et 33 (Campanien, 75 Ma), on constate que l'Espagne s'est déplacée de 200 km vers le SE et qu'elle se trouve alors à 100 km environ au Sud de sa position actuelle. Il y a donc eu un mouvement de translation se faisant à la vitesse moyenne de l'expansion océanique, soit 1 cm/an, mais qui s'accompagne d'une certaine rotation du bloc ibérique provoquant l'ouverture du golfe de Gascogne à la manière des deux branches d'un compas.
Au Crétacé supérieur, l'Espagne était donc à 100 km au sud de sa position actuelle. Au début du Tertiaire, elle est remontée vers le nord du fait du mouvement de l'Afrique, provoquant ainsi le plissement de la zone de coulissement, donc celui des Pyrénées. La rotation évoquée du bloc ibérique explique aussi que la collision commence par l'Est (Pyrénées orientales) à la fin du Crétacé et se propage ensuite vers l'ouest à l'Eocène.
La zone de coulissement est le secteur névralgique des Pyrénées. Elle n'était pas à fond océanique car on ne trouve pas d ophiolites dans la chaîne. On pense donc plutôt à une zone à croûte continentale amincie, affectée d'un faisceau de failles décrochantes qui évolueront ultérieurement en failles chevauchantes lors de la contraction finale.
1 - Structure actuelle
Elle est surtout nette dans les Pyrénées orientales et centrales où l'ossature de la chaîne est constitué par un axe de matériel ancien, précambrien et primaire, faisant frontière avec l'Espagne et qui porte les points culminants. C'est la zone axiale des anciens auteurs, terme qui un sens purement géographique car nous verrons que le véritable axe de la chaîne, géologiquement parlant, est plus au Nord, dans la zone de coulissement évoquée plus haut. Il serait donc plus logique de l'appeler la haute chaîne . Ceci d'autant plus que, géologiquement parlant, elle appartient au bloc ibérique dont elle constitue la marge nord.
Cette haute chaîne est constituée d'un socle hercynien rajeuni au Tertiaire. Elle s'abaisse vers l'W, c'est à dire que les plus vieux terrains (Précambrien et Cambro-Silurien) affleurent surtout à l'Est, dans les Pyrénées orientales, alors que les plus récents (Dévonien, Carbonifère et Permien) affleurent surtout dans les Pyrénées centrales où ils jouent un rôle morphologique important. .
La présence du Précambrien n'a été établie que sur la base de datations géochronologiques à 580 Ma (Briovérien) pour les orthogneiss des massifs du Canigou, d'Aston et de l'Hospitalet, dans les Pyrénées orientales. Il s'agit d'un vieux massif granitique briovérien repris dans l'orogenèse hercynienne.
Le Paléozoïque inférieur (Cambrien, Ordovicien, Silurien) est formé par d'épaisses séries détritiques marines, monotones, schisto-gréseuses entrecoupées de produits volcaniques.
Le Paléozoïque supérieur reste marin, mais la sédimentation devient plus variée et plus fossilifère : grès à graptolites et trilobites, calcaires dévoniens pélagiques à goniatites, souvent rouges et verts (dits « marbres griotte », comme le marbre de Guillestre dans les Alpes) ou à brachiopodes. Ces calcaires dévoniens, épais et durs, jouent un rôle morphologique important. Ils arrivent à former de hauts massifs comme celui du Vignemale, dans les Pyrénées centrales, au sud de Cauterets. La présence de cet épais Dévonien calcaire montre que le futur domaine pyrénéen était en position d'avant-pays vis-à-vis de l'axe vendéo-cévenol, alors en cours de plissement et émergé .
La sédimentation calcaire se prolonge au Dinantien en se chargeant de produits détritiques. Il apparaît un véritable faciès flysch (= Culm) qui traduit l'approche du plissement hercynien. On sait que celui-ci se propage du N au S comme une onde orogénique. Il atteint le futur domaine pyrénéen au Westphalien, y mettant ainsi fin au régime marin. La chaîne hercynienne se plisse et s'élève, ici non constellée de lagunes houillères.
La tectonique hercynienne n'est pas très facile à analyser. Ce qui est plus intéressant c'est qu'elle s'accompagne de métamorphisme et de granitisation.
Le métamorphisme est à fort gradient thermique en pression relativement modérée (différent donc du métamorphisme alpin). Il peut aller, localement, jusqu'à de l'anatexie dans le Précambrien et le Paléozoïque inférieur.
Les granites et granodiorites sont de deux types : des sortes de dômes thermiques à cœur anatexiques (Néouvielle, près Gavarnie) et des plutons intrusifs recoupant n'importe quel terrain, jusqu'au Dévonien, voire le Dinantien, avec auréoles de métamorphisme de contact (Quérigut, Maladetta, Cauterets). Leur âge va du Carbonifère, cas le plus fréquent, au Permien inférieur (Mont-Louis, Maladetta).
Au Permien-Trias inférieur , se mettent en place de vastes épandages de produits de destruction de la chaîne, sous la forme de grès rouges, associés à des venues volcaniques accompagnant la mise en place des derniers granites. La plus spectaculaire de ces venues est celle du Pic du Midi d'Ossau, énorme sill laccolithique dacitique (équivalent volcanique des granodiorites)..
Les ultimes mouvements consistent en grands décrochements obliques à la chaîne et qui seront repris par les déformations tertiaires (failles de Catalogne surtout).
La couverture mésozoïque de la zone axiale est réduite à quelques infimes placages de Trias ou de Jurassique inférieur, conservés entre des reliefs hercyniens restés émergés, sauf dans l'W de la chaîne où c'est le Crétacé supérieur, épais, qui repose directement sur le socle car la zone axiale a été là envahie par la mer, et ce jusqu'à la fin de l'Eocène.
Sur son bord nord, la zone axiale est limitée par la faille nord-pyrénéenne (FNP), plus ou moins verticale mais parfois chevauchante vers le N ou le S suivant les points.
Au delà, et toujours vers le nord, vient la zone nord-pyrénéenne ( ZNP), la plus complexe de la chaîne et à double déversement. Elle montre une série stratigraphique Trias-Crétacé supérieur, montrant qu'il s'agissait d'un sillon de sédimentation qui a fonctionné pendant tout le Secondaire. Il offre les caractères suivants :
1. D'abord une paléogéographie très variée dans le temps et l'espace , surtout dès le Crétacé inférieur (ce qui était à prévoir compte tenu de l'évolution décrite plus haut). On voit s'y juxtaposer des hauts fonds à Urgonien (un peu plus récent que celui des Alpes, car albo-aptien et non barrémo-aptien) et des sillons à sédimentation plus épaisse et plus marneuse, prenant parfois des caractères de flysch. C'est le « flysch noir » pyrénéen, également albo-aptien.
2 . Des structures fortement tectonisées , non seulement chevauchantes vers le nord ou vers le sud, mais également hachées de décrochements qui se traduisent par de nombreux plis d'axe vertical (imaginer une boule de mie de pain que l'on modèle en fuseau vertical entre les deux mains frottées horizontalement l'une contre l'autre). Ces plis suggèrent le coulissement du bloc ibérique par rapport à l'Europe que l'on a déjà évoqué.
La faille la plus importante limite la ZNP au sud. C'est la faille nord-pyrénéenne (FNP ), ancien décrochement tardihercynien qui a rejoué pendant l'orogenèse pyrénenne. Verticale ou déversée vers le sud, elle est jalonnée d'écailles écrasées et métamorphisées (marbres dévoniens, jurassiques ou urgoniens). Ce métamorphisme, daté de 100 Ma environ, est de type thermique (recristallisation sans schistosité), et traduit un important flux thermique lié à un amincissement de la croûte et à sa fracturation par distension dès que le coulissement ibérique a commencé.
Cet amincissement a provoqué une remontée du manteau, ce que traduit la présence de lames de péridotites (« lherzolites », terme tiré de l'étang de Lherz près de St Girons dans l'Ariège).
Fracturation et flux de chaleur expliquent aussi le léger volcanisme synsédimentaire qui se manifeste au Crétacé moyen dans la ZNP (basaltes alcalins)
3. Au milieu des terrains mésozoïques nord-pyréens, on observe de grandes écailles de socle, dits massifs satellites , de taille très différente, qui apparaissent comme des écailles de socle plus ou moins déracinées. On y retrouve les terrains de la zone axiale, d'où leur nom (satellites de la zone axiale). Certains montrent des gneiss à faciès granulite, issus de la croûte inférieure, ce qui s'accorde avec la présence des lherzolites.
Les caractères précédents évoquent le coulissement du bloc ibérique au Crétacé supérieur. Mais il ne faut pas oublier que la zone nord-pyrénéenne a été ensuite écrasée lors de la collision Ibérie-Eurpe (fin Crét. sup -début Tertiaire) . Elle a acquis alors sa structure à double déversement, ses plis de détails, et une schistosité surtout visible dans le flysch noir albo-aptien, accompagnée d'un léger métamorphisme , cette fois dynamique et non plus thermique, avec séricite-chlorite.
L'ensemble de la ZNP est décollé dans les gypses du Trias et chevauche vers le nord. Ce chevauchement nord-pyrénéen est particulièrement net dans les Pyrénées centrales et orientales. Vers l'E, c'est-à-dire en Languedoc, il est relayé par la nappe des Corbières. Vers l'W, de la Garonne au pays basque, on le perd car il disparaît sous les terrains tertiaires discordants et seuls les forages pétroliers ont permis de le suivre jusqu'à l'embouchure de l'Adour, toujours jalonné d'écailles de roches primaires.
Au N de la ZNP, vient la zone sous-pyrénéenne qui est aussi la bordure sud du bassin d'Aquitaine, impliquée dans le plissement. Cette zone est surtout formée de flysch crétacé supérieur-Eocène traduisant l'érosion des Pyrénées naissantes qui la bordaient au Sud. Elle apparaît comme un train de plis déversés vers le N, eux aussi décollés dans les gypses triasiques mais largement masqués par les molasses tertiaires aquitaines. Ces plis apparaissent cependant par places en surface, notamment dans les « Petites Pyrénées », traversées par la Garonne au S de Toulouse. Visibles ou cachés, les plis sous-pyrénéens sont injectés de gypse (plis diapirs) et souvent liés à des gisements d'hydrocarbures.
Pyrénées occidentales
La structure visible en surface y est moins nette car la ZNP et la zone axiale primaire s'enfouissent là sous une épaisse couverture crétacée et tertiaire, le flysch basque , dont émergent toutefois deux massifs primaires : celui du Sud (Aldudes) est considéré comme une réapparition de la zone axiale, et celui du Nord (Cinco-Villas) comme un massif satellite parce que, entre les deux, il y a une zone des marbres , c'est-à-dire une zone métamorphique qui pourrait appartenir à la ZNP.
Ce hiatus entre Pyrénées atlantiques et le reste de la chaîne est probablement dû une grande cassure complexe, d'origine tardihercynienne, la faille de Bigorre , qui a rejoué au Néogène.
Le versant sud des Pyrénées
Il forme la zone sud-pyrénéenne . Le Primaire de la zone axiale y disparaît sous une couverture secondaire et tertiaire où dominent les formations carbonatées d'eau peu profonde. Une grande partie de cette couverture s'est décollée lors du plissement pyrénéen dans les gypses du Trias et même dans des niveaux schisteux primaires particulièrement fissiles comme les schistes noirs du Silurien. Elle donne de petites nappes à vergence sud, pouvant contenir du matériel paléozoïque .
Mais, d'une façon plus générale, tout le versant méridional des Pyrénées constitue un ensemble décollé dans les gypses du Trias, à structure simple, presque tabulaire, sauf à son extrême marge sud, où apparaît un bourrelet frontal assez compliqué où réapparaissent les terrains mésozoïques (« Sierras marginales »), en bordure du bassin néogène de l'Aragon.
2 - Histoire géologique
Au Trias, et dans le cadre général de la dislocation de la Pangée, le bloc ibérique, décalé vers l'W, s'individualise au sein de l'ancienne chaîne hercynienne. Il est séparé du bloc européen par une zone d'étirement, à croûte amincie, fonctionnant en bassin de subsidence. Il s'y dépose un Trias épais, de type germanique, riche en évaporites (gypse et même sel : Salies–du-Béarn, Salies-du-Salat). Ce bassin déborde largement le domaine pyrénéen et s'étend à une partie de l'Aquitaine où sa limite nord est bien connue, c'est la « flexure Arcachon-Toulouse ». La flexure sud, symétrique, était bien au delà des Pyrénées, probablement au niveau de l'Ebre qui coule parallèlement aux Pyrénées. Mais toute reconstitution de ce bassin doit tenir compte du décalage entre les deux lèvres. On ne peut donc pas le dessiner sur une carte actuelle.
L'état distensif s'accentue brutalement à la fin du Trias et explique l'apparition d'ophites (une roche voisine des spilites dauphinois). Ce volcanisme se prolonge à la base du Lias en devenant plus trachytique.
Au Jurassique, le régime du Trias se prolonge. Le bassin subsiste avec des dépôts d'eau peu profonde (calcaires néritiques et dolomitiques), d'origine mésogéenne. Mais, dans le détail, la paléogéographie est compliquée car le régime distensif a dû déterminer une topographie en horst-grabens qui donne des chenaux entre les hauts-fonds. Le volcanisme alcalin se prolonge (tufs du Ségalas dans l'Ariège).
A la fin du Jurassique se manifeste, comme en bien d'autres endroits de France, une certaine tendance à l'émersion, qui accentue les hauts-fonds précédents avec des faciès purbeckiens. Ce régime continue au Crétacé inférieur avec lequel se termine l'histoire de ce bassin subsident d'affinités mésogéennes. Car l'influence de l'Atlantique naissant se fait sentir, ce qui est d'autant plus normal que si l'on remet les choses à leur place paléogéographique, la région basco-cantabrique est alors, comme on l'a dit, à 200 km environ à l'ouest de sa position actuelle.
A la fin du Crétacé inférieur (Aptien), puis à l' Albien (Crétacé moyen) , se produit l'ouverture de l'Atlantique nord . La dérive du bloc ibérique commence, dérive qui s'accompagne d'une rotation antihoraire ouvrant peu à peu le golfe de Gascogne.
L'ancien bassin triasico-jurassique (c'est-à-dire la zone souple séparant l'Espagne et l'Europe) est distendu et sa partie axiale devient un véritable fossé d'effondrement en coulissement longitudinal, le fossé nord-pyrénéen, future ZNP. Il s'y dépose des marnes noires à ammonites (faciès habituel du Crétacé moyen dans presque toutes les mers profondes du globe), qui se chargent peu à peu en produits détritiques, devenant ainsi le « flysch noir » des géologues pyrénéens, épais de plusieurs milliers de mètres d'épaisseur. Les études stratigraphiques détaillées ont fait apparaître un réseau de failles synsédimentaires délimitant des sillons et des blocs surélevés, futurs massifs satellites.
Au contraire, sur les bordures du rift ainsi que sur des horsts peu immergées, apparaissent des calcaires sub-récifaux de type urgonien, ressemblant à ceux des environs de Grenoble sauf qu'ici ils sont plus jeunes (albo-albiens et non plus barrémo-aptiens). Il y a même localement des conglomérats à gros blocs traduisant des effondrements des bordures du rift, comme le poudingue de Mendibelza, dans les Pyrénées occidentales, voire des bauxites là où les épaules du rift sont émergées.
Rappelons que ce rift nord-pyrénéen montre aussi un volcanisme sous-marin , alcalin, basaltique, et un flux de chaleur qui a dû être ici particulièrement fort (500 à 600° contre 3 à 4 Kb) car il arrive à donner localement un métamorphisme thermique (marbres notamment aux dépens des niveaux calcaires) Ce métamorphisme a été daté de 100 Ma (Crétacé moyen), ce qui est cohérent avec ce qui précède. Cette zone métamorphique, dite « zone des marbres » court entre les massifs satellites et la FNP que l'on considère comme la faille majeure bordant le rift au sud.
En fait le fond du rift était lui aussi certainement faillé, comme l'est le fossé rhénan actuel, c'est-à-dire découpé en une série de horsts-grabens, les premiers étant l'amorce des futurs massifs satellites. Mais comme les failles de ce rift NP fonctionnent aussi en coulissement longitudinal, les grabens ont probablement évolué en petits bassins en pull-apart au fond desquels la croûte inférieure, voire le manteau à lherzolites, ont été mis à nu.
Le coulissement longitudinal s'accompagne, comme on l'a dit, d'une rotation antihoraire du bloc ibérique. Le résultat est qu'au Cénomanien, le rift nord-pyrénéen entre en compression et se plisse en prenant une structure en éventail (la FNP est à vergence sud et chevauche le socle ancien). Le mouvement compressif s'exerce surtout sur le côté sud de la ZNP et l'axe primaire contigu. C'est le début du soulèvement de la zone axiale. La mer est chassée vers le nord du rift et même au delà, dans ce qui reste de l'ancienne zone de subsidence triasico-liasique qui prend alors le nom de zone sous-pyrénéenne .
Le Crétacé supérieur. Comme on le sait, il correspond à une grande transgression venant de l'Atlantique. Dans la zone sous-pyrénéenne, plus fortement immergée et alimentée par l'érosion de la zone axiale partiellement émergée, se déposent 5000 m de sédiments détritiques fins, plus ou moins flyschoïdes. En pays basque, se dépose le « flysch basque » qui noie toutes les structures antérieures, qu'elles soient N-pyrénéennes ou sous-pyrénéennes.
Ce qui est surtout spectaculaire est que la mer envahit aussi la partie W et le versant sud de la zone axiale, c'est-à-dire la zone sud-pyrénenne, où elle donne une puissante plate-forme carbonatée reposant directement sur le socle ancien et à laquelle succèdent des faciès détritiques alimentés par l'érosion de la partie restée émergée de la zone axiale.
A la fin du Crétacé supérieur, le bloc ibérique ayant fini sa rotation antihoraire commence à remonter vers le nord, toujours sous l'action de l'ouverture de l'Atlantique sud. Le plissement va s'accentuer dans les Pyrénées centrales et orientales. Ce raccourcissement, qui va s'étaler entre le Sénonien supérieur et l'Eocène, s'accorde bien avec la remontée de l'Espagne entre 80 et 40 Ma.
La ZNP s'agrège à la marge ibérique (zone axiale) comme un véritable prisme d'accrétion qui progresse vers le N, précédée d'un sillon à sédimentation terrigène syntectonique, issu du sillon sous-pyrénéen , esquissé dès le Cénomanien, et qui se suit jusqu'en Provence.
Même chose sur le versant S des Pyrénées , avec le bassin sud-pyrénéen , à sédimentation également carbonatée et gréseuse qui migre vers le S.
Sur le versant nord, le plissement est plus énergique. Il s'accompagne de schistosité et d'un métamorphisme de pression assez élevée, avec séricite-chlorite. Le flysch noir nord-pyrénéen devient le flysch ardoisier des géologues pyrénéens. La ZNP chevauche la zone sous-pyrénéenne par l'intermédiaire d'un coussinet gypseux. Le sillon sous-pyrénéen lui-même finit par être affecté. Au Maastrichtien, il est soulevé et mis à sec dans sa partie orientale (de Carcassonne à Toulouse). Les dépôts y deviennent lacustres, coupés de décharges détritiques (grès rouges). C'est le Garumnien des géologues locaux, à œufs de dinosaures. Comme en Provence, la limite avec le Tertiaire y est presque invisible.
Au contraire, la partie occidentale de ce sillon pyrénéo-provençal reste marine et profonde (« fosse aturienne », étym. Adour). C'est un des rares points de France où la sédimentation marine reste continue entre Secondaire et Tertiaire.
A l 'Eocène , comme dans tous les bassins atlantiques français de l'époque (Paris, Aquitaine), la mer transgresse à plusieurs reprises. Dans le domaine pyrénéen occidental et la zone sud-pyrénéenne, elle dépose d'épais calcaires de plate-forme ( Paléocène) qui prolongent ceux du Crétacé supérieur (Mont-Perdu, Gavarnie), puis les séries plus gréseuso-marneuses, voire flyschoïdes de l' Eocène .
A la fin de l'Eocène, se produit, comme en Provence, la phase paroxysmale de plissement qui met en place les structures actuellement visibles. Naturellement, elle affecte aussi tout le versant N de la chaîne, c'est-à-dire les zones nord- et sous-pyrénéennes qui sont découpée en écailles chevauchantes.
Le soulèvement de la chaîne alimente en produits détritiques le bassin d'Aquitaine, encore peu subsident (poudingues de Palassou) et, au sud, les bassins subsidents de l'Aragon et de l'Ebre dans lesquels viennent glisser des unités de la couverture sud-pyrénéenne. Ce glissement se fait sur les gypses du Trias, parfois sur les schistes noirs siluriens (nappe de Gavarnie).
Ces structures charriées sont scellées par les couches de l'Oligocène, ce qui date bien la phase paroxysmale, contemporaine du plissement de la Provence et des zones internes alpines. Elle doit être liée à une accélération du processus de collision Afrique-Eurasie.
A l'Oligocène puis au Miocène, les piedmonts N et S connaissent une intense sédimentation molassique, surtout conglomératique, entrecoupée de mouvements qui ne sont que les contrecoups de la phase néoalpine . Ces mouvements agrandissent la zone plissée jusqu'aux « Sierras marginales » espagnoles qui sont les édifices les plus tardifs.
Le Miocène connaît aussi des jeux de socle, avec rejeu des grandes failles transversales tardi-hercyniennes NE-SW de Catalogne, dont l'une contient même du Miocène marin (région de Prades).
Il y a aussi effondrement du graben de Cerdagne (conduit par ces mêmes décrochements tardihercyniens), effondrement du Roussillon tandis que celui du golfe du Lion se termine, séparant les Pyrénées de la Provence.
Au Pliocène, le contrecoup de la phase néoalpine donne aux Pyrénées leur altitude actuelle et déclenche de nouveaux épandages détritiques (cône du Lannemezan). En même temps, la Méditerranée envahit le Roussillon où elle dépose les classiques marnes plaisanciennes, passant, au fond du golfe, aux sables et cailloutis astiens (célèbre « orgues »d'Ille-sur-Têt).
Le Pliocène connaît aussi un léger volcanisme basaltique, fissural, en Catalogne espagnole, au nord de Gérone.
Tectonique actuelle. Les Pyrénées représentent une des zones sismiques de France. Elles ont connu à Arette, au S de Pau, en août 1967, le plus fort séisme français après celui d'Aix-en- Provence de 1909. Son épicentre se situait sur le chevauchement frontal N-Pyrénéen, comme tous les autres d'ailleurs, ce qui montre que la collision est toujours en cours et fait encore jouer cette structure.
Les mesures GPS montrent une surrection de la chaîne de l'ordre du mm/an, comme les Alpes.
Le profil ECORS-Pyrénées
Il a révélé quelques faits intéressants :
1 - Confirmations de la structure à double déversement, au moins pour la partie supérieure de la croûte.
2 - En profondeur, la croûte ibérique est plus épaisse que la croûte européenne, avec une partie inférieure bien litée, correspondant probablement à un matériel à faciès granulite, effectivement connu dans les massifs satellites.
3 - Tout se passe comme si la lithosphère européenne venait emboutir la lithosphère ibérique. Mais les avis diffèrent sur l'importance de ce poinçonnement en raison de la difficulté d'interprétation du profil à la verticale de la ZNP, ce qui est normal, les structures donnant d'autant moins de réflexions qu'elles sont plus redressées.
4 - De toute façon, et quelle que soit l'ampleur du poinçonnement, le fait important que révèle ce profil est une amorce de sous-charriage de la croûte ibérique sous la croûte européenne, ce qui implique l'existence d'une sorte de bec de manteau supérieur sous cette dernière (point A de la fig.). Ce serait peut-être l'héritage du diapir mantellique qui a dû exister au Crétacé moyen sous le rift N-pyrénéen, comme sous tous les rifts. Une telle remontée, ainsi partiellement conservée, aurait pu faciliter l'emboutissement évoqué.
En conclusion, les Pyrénées représente une chaîne intracontinentale édifiée sur une zone fragile qui est la zone de distension et de coulissement N-pyrénéenne. Mais il s'en est fallu de peu qu'elle ne devienne une chaîne de collision, ce qui serait arrivé si la croûte continentale nord-pyrénéenne s'était déchirée et que le manteau arrive largement en surface avec l'inévitable « sécrétion » d'une croûte de type océanique séparant les deux marges continentales en coulissement.
Leur prolongement est masqué par le golfe du Lyon, en cours d'effondrement depuis l'Oligocène. Quelques forages sous-marins ont trouvé les terrains primaires de la zone axiale en affleurement au large du Languedoc (Agde-Sète), en des points franchement décalés vers le nord, qui impliquent donc un ou plusieurs décrochements sénestres ( faille de Nîmes et de ses satellites).
Mais, au-delà, l'incertitude est totale car, même si on supprime par la pensée les décrochements précédents, on ne sait pas ce que devient le trait structural majeur des Pyrénées, à savoir la grande zone de coulissement nord-pyrénéenne. Deux hypothèses ont été proposées, qui se replacent toutes deux au Crétacé supérieur, période de fonctionnement de ce coulissement :
- La ZNP étant une faille transformante intraplaque, son prolongement doit être recherché dans les accidents de ce type qui fragmentent l'océan téthysien.
- La ZNP se prolonge par le hiatus séparant zone externe et zones internes alpines avant que ne se dessine l'arc alpin. Auquel cas, l'ensemble corso-sarde et la zone briançonnaise appartiennent au bloc ibérique.
En tout cas, il est inutile de chercher dans la Provence le prolongement direct des différentes zones pyrénéennes,
Ces petites nappes ne sont pas limitées au versant S de la Haute Chaîne primaire. Dès que celle-ci s'enfouit sous sa couverture crétacé supérieur au-delà du méridien de Pau, cette couverture montre de tels chevauchements à vergence S dont certains peuvent alors être contigus à la zone ZNP elle-même déversée vers le S. (chevauchement des Eaux-Chaudes, de Mendibelza, etc.). La disposition en éventail de la ZNP évoquée plu haut est ici très nette.
Vers : Comptes-rendus des conférences