LE GLACIAIRE DE L'OMBILIC DU BOURG D'OISANS
vu depuis les Chalanches

Sortie Paléos 15 octobre 2007


Panorama géographique

Nous avons ici une vue sur la moitié externe des Alpes, tout au moins le massif du Pelvoux. Du domaine dauphinois, nous ne voyons que le Vercors.

Hors relief glaciaire

· Les blocs basculés des Grandes Rousses
· Le cône de déjections de la Lignarre qui a repoussé la Romanche contre la falaise de la rive droite. Il y a toutefois place pour un chemin, où l'on s'arrêtait jadis à l'auberge de la Vieille Morte.
· Aux Chalanches, nous sommes dans le rameau interne de Belledonne, nous avons vu en montant des amphibolites. Ici nous sommes dans le domaine des leptynites et des gneiss albitiques.
· La mine des Chalanches (avalanches) : argent, nickel, chrome
· Le lac de l'ombilic du Bourg d'Oisans barré par le verrou de Bâton, en gros blocs éboulés, d’où doute sur le niveau du lac post-glaciaire

Les glaciers

· Les glaciers actuels ne sont que des trognons, des mégots.
· Seuls subsistent ici actuellement trois sortes de glaciers :
- glacier de cirque (Grandes Rousses)
- langue de versant
- calotte locale du Mont de Lans.

Sur le Bourg d'Oisans, situé à 80 km du vallum terminal du glacier, les glaciers atteignaient approximativement 1750 m au Würm et 1860 m au Riss.
Le glacier de la Romanche à nos pieds était grossi de celui du Vénéon, de la Sarenne, de l'Eau d'Olle mais aussi du Flumet (Vaujany) qui recevait les nombreuses langues de versant des Grandes Rousses, enfin de la Lignarre. Un seul exutoire pour toutes ces glaces la basse Romanche.

Le relief glaciaire

Tout le relief que nous nous apercevons n'était pas recouvert de glace, les Alpes n’ont jamais été le Groenland, tous les sommets au-dessus de 2000 à 2500 m émergeaient au bout de longues arêtes.

Certains de ces reliefs sont des horns, formé par trois ou quatre glaciers de cirque, telle l'Aiguille du Plat de la Selle, ou au loin la Moucherolle.
D'autres sont des nunataks (Pied Moutet), d'autres enfin des Jardins, par référence au Jardin de Taléfre (tel Prégentil), qui dépassaient à peine le glacier de vallée.

Autres formes glaciaires

1. Les vallées, nous en apercevons deux très différentes :
- La vallée du Bourg d'Oisans : c'est une vallée typique, un ombilic à fond plat, ici partiellement remblayé, avec des versants raides jusqu’un peu en dessous du niveau maximum des glaces (1750 m au Würm, 1860 au Riss). Plus haut, la pente s‘adoucit.
Le glacier de la Romanche était ici retenu - d'où la formation de cet ombilic - par le pseudo verrou du coude de la vallée à Rochetaillée, que nous dominons.

- La vallée de la basse Romanche, en aval de ce coude de Rochetaillée, a, elle, une section en V et ne présente pas d'épaulements. Ce n'est pas une auge en U. Ici, nous sommes à peu près au niveau de la surface du glacier rissien.
En amont du verrou qui se trouve sensiblement à notre hauteur, il y avait dans cette vallée des Chalanches un replat de cirque en van ou, peut-être même, un lac de cirque en fauteuil.

Pourquoi une vallée en U à Bourg d'Oisans et en V dans la basse Romanche, on ne sait pas vraiment, à moins que ........

2 - Les épaulements, par exemple celui en face de nous sous Clos Chevalier, un petit épaulement, 50 m de longueur, altitude de 1870 à 1900 m. Le glacier montait donc ici à 1900 plus 50 soit 1950 m, d'après les chiffres donnés par mes études. C’était une langue de versant, plus élevée que le glacier de vallée.

En direction de l’Alpe d’Huez, le versant qui domine Sardonne se termine par un épaulement, que la perspective rend peu visible. Il s’agit plutôt d’un plan d’épaulement, pour plus de détails, je vous renvoie à mon site.

Au-dessus de nous, des terrains glaciaires montrent qu'il y avait dans ce vallon un glacier d'une épaisseur de 120 m environ, valeur que j'ai trouvée à d'autres endroits.

3 - Les sillons rocheux : les seuls que l'on peut voir d'ici sont ceux du Chatelard près du col Luitel, au-dessus des Portes de l'Oisans. Je vous signale cette petite balade courte et intéressante.
Ces sillons rocheux du Chatelard montrent que le glacier était ici 300 m environ en dessous de son altitude à Rochetaillée. La basse vallée de la Romanche était donc parcourue par un glacier très pentu, au contraire de la large surface de glace qui remplissait l'ombilic de bourg d'Oisans (genre Concordia Platz, glacier d’Aletsch). Cette différence de pente des deux glaciers peut peut-être expliquer la différence de forme des deux vallées. Question à suivre.........

4 – Peu de sillons vallonnés sont visibles d’ici : ceux qui dominent le versant d’érosion de Sardonne.

5 - Enfin, les versants d'érosion d'origine glaciaire. Ce type de relief glaciaire ne semble pas avoir été identifié jusqu'à présent. Je précise bien « d'origine glaciaire » car il existe des versants d'érosion à des endroits où il n'y avait pas de glaciers par exemple dans les Alpes du Sud. Pour simplifier je ne répéterai plus maintenant « d'origine glaciaire ».
Il en existe plusieurs dans les environs :
Tout d'abord, les trois versants d'érosion de l'ombilic du Bourg d'Oisans, vous les connaissez tous :
- le plus connu, le Bout du Monde, qui menace le Bourg d'Oisans. Altitude maximum 1860 m.
- celui que traverse la route de Villard Reculas, à la grande frayeur des touristes hollandais. Altitude maximum 1898 m
- celui des Sures, traversé par la route d'Auris. Altitude maximum 1850 m
-
Qu'est-ce qui m'amène à penser que ce sont les glaciers qui les ont formés ? un faisceau de preuves convergentes, en particulier
1 -- ils sont tous situés en face des débouchés de vallées affluentes, celles de Sarenne, de la Lignarre (col d'Ornon), du vallon du Grand Rochail
2 -- leur altitude maximum, celle du haut des ravinements, est liée à celle du glacier de vallée :
- pour le Bout du Monde, 1860 m pour un glacier rissien à 1850 m
- pour celui de Villard Reculas, 1898 m pour un glacier rissien à 1860 m
- pour celui des Sures 1870 m pour un glacier rissien à 1870m
À quelques dizaines de mètres près, l'altitude maximale des versants d'érosion est donc la même que celle du glacier rissien de la Romanche.
Puis, non visibles d’ici, les deux versants d'érosion superposés de la vallée de la Lignarre, celle du col d'Ornon. Vous avez tous certainement remarqué au passage les schistes très brillants du versant d'érosion inférieur, en dessous d'Oulles.
Or la partie supérieure de l'un de deux se situe à l'altitude du glacier würmien de la Lignarre, l'autre à celle du glacier rissien.

Donc dans tous les cas, il y a une corrélation indéniable entre les altitudes maximum des versants d'érosion et celle du glacier rissien (corrélation que l'on retrouve dans beaucoup d'autres endroits des les Alpes).
Or ce ne peut être l'altitude des versants d'érosion qui a fixé celle des glaciers, qui dépend de la distance au vallum terminal et des caractéristiques géométriques des vallées.
C'est donc le glacier qui a fixé l'altitude maximum des versants d'érosion, il est donc responsable de leur existence. Mais selon quel mécanisme ?

6 - Mon explication est la suivante : on sait que les eaux glaciaires (eaux de fonte du glacier et eaux latérales en particulier) rejoignent les rives en coulant à une centaine de mètres sous la surface. En effet, plus bas, la glace devient imperméable sous le poids des couches supérieures. Les eaux coulent alors le long des parois, avant de gagner le fond d’auge, car ce sont des points faibles dans l’imperméabilité du glacier et ceci sur les deux rives de la vallée.
Mais lorsqu’un glacier affluent vient confluer avec le glacier principal, les eaux glaciaires de cette rive sont rejetées contre la rive opposée d'où augmentation de l'érosion et formation, lorsque la nature du rocher s'y prête, d'un versant d'érosion glaciaire.
On pourrait objecter que celui-ci devrait culminer à une centaine de mètres sous la surface glaciaire. Mais il faut tenir compte de l'érosion postglaciaire et interglaciaire et je pense que c'est cette érosion qui a fait remonter l'altitude supérieure des versants d'érosion. Et, dans beaucoup de cas, ce n'est pas terminé...


4 - Pour en finir avec les versants d'érosion

En face de nous, nous pouvons voir un versant d'érosion au-dessus du village de Sardonne ; celui-ci est stabilisé, au contraire de ceux que nous venons d'énumérer. Il culmine à 2000 m, 10 ou 20 m en dessous de l’altitude du glacier rissien de l'Eau d'Olle que venait de rejoindre le glacier de l’Etendard.
Pourquoi ce versant d'érosion est-il stabilisé, c'est-à-dire qu'il n'a pas été réactivé lors du Würm, au contraire de ceux de la vallée du Bourg d'Oisans ?
Ceci est peut-être dû au fait qu’au Riss, les glaciers de versant de la partie nord des Grandes Rousses (au nord du Pic de l'Étendard) franchissaient le col du Sabot vers le Sud et s'écoulaient en partie dans la vallée du Flumet (Vaujany), donc au pied de ce versant d'érosion de Sardonne.
Au Würm, au contraire, le col du Sabot n’était pas franchi et une partie plus importante des glaces gagnait la Maurienne et n'a donc pas réactivé ce versant d'érosion.


Pour terminer, j'ai gardé l'observation la plus curieuse et peut-être la plus importante : pour tous les versants d’érosion dont je viens de vous parler, non seulement les versants d'érosion arrivent sensiblement au niveau de la surface du glacier, mais aussi les sommets qui les dominent. Or l’altitude de ces sommets n'a pas été fixée par celle du glacier rissien puisque ce glacier n’est pas passé par-dessus ces sommets.
Seule explication possible pour l'instant : la forme de la vallée du Bourg d'Oisans, en particulier l'altitude de ces sommets, a été modelée par les glaciations antérieures au Riss.
Celles-ci, soit qu'elles aient été plus importantes que le Riss, soit plutôt qu'à leur époque la chaîne ait été moins élevée qu'actuellement, ont du franchir le haut des versants et ont alors modelé les sommets.

Question à piocher........

...... et, en attendant, un peu de distraction .....


C.BEAUDEVIN
claude@beaudevin.fr
http://paysagesglaciaires.net

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