VOYAGE GEOLOGIQUE EN CORSE

 

 

Remarque préliminaire : Avant le départ en Corse, Mathieu a rédigé un fascicule sur la géologie de la Corse. L’objet de ce compte rendu est de le compléter pour les points que nous avons vus sur le terrain. Les références entre parenthèses renvoient au fascicule de Mathieu.

 

 

Jour 1 – 05 septembre : Cap Corse

            Après avoir débarqué à Bastia, nous avons pris la direction du N vers le Cap Corse.

 

1 - Erbalunga

            Le premier arrêt est à la sortie du joli village d’Erbalunga situé dans la zone des ophiolites qui couvrent une part importante du Cap Corse. Ce sont les restes du plancher océanique de Thétys. L’érosion de ces roches donne des formes creuses très particulières, spécifiques de la Corse appelées tafonis.

            Au niveau de la plage d’Erbalunga, le basalte a été très déformé et étiré par un léger métamorphisme qui lui donne une couleur verdâtre: nous sommes en présence de prasinites. Ces roches sont très abondantes jusqu’à Sisco. Sous les prasinites, les schistes plongent sous la mer .

            En dessus de la plage, la route est maintenue par de gros blocs de marbre blanc extraits dans les environs, c’est bien du calcaire métamorphisé, sédiments de Thétys qui ont été métamorphisé en même temps que le basalte.

 

2 – Sisco.

            Au niveau de la mer, des plis en cascade descendent vers l’E, un basculement général est d’ailleurs probable. Au-dessus et au niveau de la route, des niveaux de prasinite et de marbre affleurent. La couleur verte est donnée par la chlorite et des dépôts d’épidote sont visibles avec leur couleur vert pistache plus intense. La chlorite est le témoin d’un métamorphisme faible de basse pression, l’amphibole est plus verte et témoigne d’un métamorphisme de moyenne pression, puis ce sont les glaucophanes, les grenats puis les éclogites pour les pressions les plus élevées.

 


            Les prasinites reposent sur des marbres et au-dessus des prasinites on retrouve de nouveau du marbre. Il y a eu plissement sous l’effet de la compression associée à la collision avec l’Afrique. Les plissements multiples tous parallèles sont dits isoclinaux. A l’intérieur des plis de la charnière visible près de la route, des plis dysharmoniques témoignent de l’intensité du plissement.

            Les calcschistes sont un mélange de calcaires plus ou moins argileux légèrement métamorphisés.


 

            Un peu plus loin, les plissements du marbre apparaissent très clairement en bord de route. Ces plis isoclinaux sont très serrés et des lentilles vertes de prasinite sont visibles dans le marbre.

            Un muret de protection en bord de route est fait de pierre de Brando (nom commercial). Cette pierre est en fait un marbre coloré extrait dans les environs.

            Dans la couche de prasinite au-dessus du marbre, des formes arrondies pourraient être des pillows lavas verts (chlorite) très déformés avec des zones vert pistache d’épidote: métamorphisme faible. La couleur plus bleutée de certaines zones proches et la présence de cristaux bleus foncés pourraient révéler la présence de glaucophane, amphibole témoignant d’un métamorphisme plus important de faciès schistes bleus. Celui-ci correspondant à un enfouissement de l’ordre de 30km serait peu compatible avec la présence de pillows lavas faiblement métamorphisés. Une analyse des minéraux serait nécessaire pour préciser tout ceci. Si dans une lame mince, les cristaux verts recoupent les zones bleues de glaucophane ou se trouvent en périphérie de ceux ci, on est en présence d’un rétrométamorphisme. Voir les photos de lava pillows et de glaucophane dans la galerie de photos.

            Les filons blancs qui parcourent le marbre sont des filons de quartzite.

 

3 – Entrée de San Sévéra.

            En retrait de la plage, nous pouvons examiner des blocs sombres profondément sculptés par l’érosion présentant des sillons parallèles. Nous sommes en présence de roches cristallophylliennes avec des cristaux de feldspath et de pyroxène parfois fortement oxydés mais tous alignés. Dans un de ces blocs une inclusion de gabbro est bien identifiable: il s’agit de méta-gabbros.

            Au Cap Corse, la péridotite constituée d’olivine et de pyroxène a été montée en température en présence de l’eau de mer qui s’est infiltrée par les fissures, le pyroxène en température et en présence d’eau donne de la serpentinite très fréquente sur tout le cap et principalement sur la cote W. Certains des blocs de cette plage présentent des dépôts importants de cristaux bleus foncés de glaucophane : nous sommes en présence de glaucophanite.

 

 

            Il y a aussi des grenats dans cette zone mais nous n’en avons pas vu. L’érosion des roches se fait d’abord par l’oxydation et la corrosion des ferromagnésiens, comme ces derniers ont été alignés par le métamorphisme ceci se traduit par des successions de lignes parallèles en creux et en reliefs.

 

4 – Randonnée depuis Macinaggio jusqu’à la Tour de Santa Maria

            A la pointe E, au Monte di a guardia, une nappe de calcaire allochtone couvre les ophiolites. Le calcaire jurassique, les cargneules et les grés sont très visibles sur le chemin allant jusqu’à la chapelle Santa Maria: il s’agit d’éléments qui ont refusé de s’enfoncer dans la subduction et se sont trouvés rétrocharriés sur les ophiolites.

La tour est construite sur des alternances de schistes et de calcaires. Pour pénétrer dans la lithosphère océanique, il aurait fallu poursuivre jusqu’à la Cala Francese mais nous n’avions pas le temps. La baignade sur la petite plage près de la tour est néanmoins fort agréable.

 

5 – poursuite de la route de Macinaggio jusqu’à Bonifatu.

            Poursuite de la route faisant le tour du Cap Corse. La traversée vers l’W par la D80 donne une coupe du Cap Corse. Elle traverse successivement :

-          des calcschistes avec quelques inclusions de prasinite,

-          des prasinites et des serpentinites,

-          des gneiss qui chevauchent les prasinites.

L’îlot de la Giraglia est bien visible à quelques kilomètres des cotes, la roche qui le constitue, peu couverte par la végétation, est de la prasinite bien verte qui se détache bien sur le bleu de la mer.

Au col de la Serra, la montée au moulin Mattei permet une bonne vue sur tout le cap avec les affleurements de prasinites et les gneiss.

La poursuite de la route sur la cote W très escarpée se fait dans des pierres vertes plongeant vers l’W : des prasinites, des gabbros et des serpentinites.

En franchissant la pointe de Canelle, les roches qui affleurent sont de plus en plus blanches jusqu’à atteindre l’ancienne carrière d’amiante: nous sommes dans des serpentinites riches en filons d’amiante chrysotile . L’amiante a été exploitée jusqu’en 1964 et les déchets de cette exploitation ont été rejetés à la mer, ont dérivé vers le sud et ont créé trois plages artificielles au N de Nonza.

La suite du parcours se déroule sans arrêt vu notre retard, il faut signaler la traversée de la « plaine » au niveau de Saint Florent (terrains sédimentaires) puis du Désert des Agriates : zone de granite calco alcalin gris légèrement rose hercynien transformé en orthogneiss par la tectonique alpine alternant avec des rhyolites.

 

 

Jour 2 – 06 septembre : cirque de Bonifatu, Calvi

 

L’W de la Corse est essentiellement granitique et volcanique. Les sédiments au fond de la mer entre la Corse et le continent ont au maximum 20Ma, le détachement n’est donc pas plus ancien. Il est à noter que la cote W est très abrupte et que le fond atteint rapidement -2000m.

 

 

1 – Montée au refuge de Carrozzu.

 

            Cette montée a été choisie car le cirque de Bonifatu est le flanc NW du complexe alcalin anorogénique du Cinto qui a la particularité d’être annulaire (cf 3.3 et 4.4). Les différents niveaux d’érosion combinés à une histoire géologique qui est une succession de soulèvements et d’effondrements avec des intrusions de magma permettent d’observer le granite qui est clairement intrusif avec des structures en pelure d’oignon et des niveaux purement volcaniques. Ce volcanisme ayant conduit aux différents complexes alcalins corses (6 principaux) est associé aux prémices du rifting ayant conduit au détachement de la Corse du continent, il dura du carbonifère à la fin du permien. On retrouve d’ailleurs des structures équivalentes et de la même période dans l’Estérel.

            Le complexe du Cinto a conservé ses deux structures circulaires de caldeira. La première est franchie en amont de la maison forestière, là où la route devient plus escarpée. A partir de cette entrée dans la caldeira externe, la roche est essentiellement alcaline (granite U3).

            Au départ du gîte de Bonifatu, nous passons des granites gris verts aux granites roses (granite hyperalcalin à riébeckite) avec de nombreux tafonis sur les deux versants du torrent Figarella. Ces tafonis sont le résultat de l’érosion de roches cristallines et particulièrement les granites. Les ferromagnésiens sont des points faibles face à la corrosion, leur érosion/corrosion amorce une érosion en creux de la roche qui est ensuite amplifiée par les effets chimiques, thermiques et aussi par l’action du vent. Si dans nos Alpes le granite est peu érodé, les conditions climatiques corses lui sont beaucoup moins favorables. La température engendre des phénomènes alternés de dilatation et de contraction qui déchaussent les cristaux et fragilisent la roche en surface: le granite perd des plaques minces de quelques centimètres d’épaisseur et de plusieurs décimètres carrés. Ce phénomène est appelé desquamation et il donne des boules de granite de plus en plus petites. Le sous produit de cette érosion est l’arène granitique: sable grossier formé par les cristaux de quartz et de feldspath qui se sont détachés.

Dans la montée au refuge, ces structures granitiques en pelures d’oignons sont bien visibles. Ce sont des plutons granitiques issus d’un magma intrusif qui s’est refroidi de manière concentrique. Ensuite l’érosion fait apparaître différentes pelures avec de grandes dalles arrondies de granite.


Au fur et à mesure que l’on avance vers le refuge, on se rapproche du Cinto et les rhyolites sont de plus en plus présentes en intrusion dans les granites en formant des falaises qui contrastent avec le relief arrondi des granites. Certains blocs de rhyolite ont un aspect particulier avec certains cristaux alignés, les autres cristaux sont disposés au hasard et sont libres dans le verre. Nous sommes en présence d’une rhyolite fluidale qui s’est solidifiée alors que le magma était en mouvement.

Dans la Corse hercynienne, il y a en fait 3 types de granite correspondant à 3 intrusions différentes successives ayant 3 chimies différentes (cf 2.1).

             Le granite alcalin U3 se retrouve dans tous les complexes annulaires comme le cirque de Bonifatu (association granite et rhyolite de composition U3). Dans ce granite, on trouve des baguettes d’une amphibole sodique bleue la riébeckite. C’est un volcanisme intraplaque riche ou très riche en alcalins.

De vastes zones et certains sommets du massif sont constituésd' ignimbrites(débris de lave  soudés à chaud suite à une éruption explosive suivie de nuées ardentes). Les débris roses dans la roche sont des morceaux de rhyolite.

 

 

2 – Calvi

 Vers Calvi on trouve des granites blancs de type U1 comprenant autant de feldspath orthose que de plagioclase avec peu de quartz, ce sont des leuco monzo granites (la monzonite est une syénite constituée à parts égales de feldspaths orthose et de plagioclases). Ils sont très clairs car contenant peu de ferromagnésiens contrairement à la plupart des granites de type U1. Ces granites sont aussi porphyriques car ils renferment des gros cristaux. Ce leuco monzo granite porphyrique est très beau au pied de la citadelle de Calvi. Certains gros cristaux de feldspath présentent même des couches concentriques de croissance ce qui montre que celle ci a été longue et peut être en plusieurs phases .

            A noter sous la citadelle, un large filon sombre de roche basique qui recoupe toute la masse de granite.

            Dans la montée à la citadelle coté mer, des roches dans le muret ressemblent à un granite des Combeynots : cristaux verts, roses et blancs. Il s’agit d’un granite saussuritisé c’est à dire qu’il a subi un début de métamorphisme.

 De retour de Calvi vers Bonifatu, à l’E de Suare, une arête de granite allongée de section pratiquement triangulaire : il s’agit d’un ring dyke (filon annulaire) qui s’est formé lors de la formation du complexe de Bonifatu, il appartient à la structure externe.

 

 

Jour 3 – 07 septembre : Scandola, Piana

 

1 - Presqu’île de Scandola

            La presqu’île de Scandola est la partie émergée d’un autre complexe annulaire du permien. Celui ci s’est créé dans les mêmes conditions que celui du Cinto vu la veille. (Voir la coupe géologique en 4.5). Le site est inaccessible par la terre, la visite se fait en bateau que nous prenons à Porto.

A l’W de Girolata, les dykes et sills roses presque rouges sont les prémices rhyolitiques de la zone qui nous intéresse.

Au-delà nous voyons des roches d'un gris verdâtre qui sont des roches métamorphiques très anciennes précambriennes.

Au-delà vers l’W les roches sont rouges et au-delà d’une grande faille, c’est la partie volcanique de la presqu’île qui nous intéresse. Au-delà, des couches rouges de coulées rhyolitiques alternent avec des coulées de basalte gris.

            Les lahars, coulées de boue entraînant toutes sortes de débris volcaniques sont visibles entre  les coulées de d’ignimbrites notamment dans l’anse de Gattachia.

 

L’ensemble des couches et coulées est incliné vers la mer à l’W.

 



 

            La couleur rouge de l’îlot de Gargalu est due aux blocs de rhyolite pris dans les coulées d’ignimbrite, il y a quelques coulées rhyolitiques et de nombreux lahars.

            La  Punta Palazzu présente de magnifiques prismations rhyolitiques dans les pyroclastiques.



 A noter au pied des rochers, la présence d’algues blanchâtres encroûtantes qui très lentement forment un rebord au-dessus de la mer : lithophyllum.

             

2 – Calanches de Piana

                        Les Calanches font partie du complexe annulaire de Porto. Le granite rose des calanches forme un dyke annulaire. Le rose caractéristique de ce granit est dû au feldspath présent en forte proportion et très coloré par les oxydes de fer.

Promenade jusqu’au Château Fort depuis le parking de la Tête de Chien

            Cette courte balade à travers des blocs et tafonis de granite et de rhyolite roses mène à un beau point de vue sur la presqu’île de Scandola et sur le golfe de Girolata.

Calanches de Piana proprement dites

            Remontée en fin d’après midi des calanches de Piana avec un éclairage qui met en valeur les couleurs de la roche. Beauté du paysage.

           

 

Jour 4 – 08 septembre : Corte, Propriano

 

1 – Belgodère.

            En partie haute du village de Belgodère, présence de gneiss qui a été daté de 420Ma. Certains blocs sont partiellement fondus, ce sont des migmatites.

 

            Depuis ce belvédère, belle vue sur le désert des Agriates (gneiss et granite) avec des bassins sédimentaires de chaque coté et au fond le Cap Corse.

 

2 – Pillows lavas.

            Depuis Belgodère, la direction de Corte est prise par la N197 qui traverse le complexe ophiolitique de Balagne. Des pillows lavas sont visibles en bord de route. Ils correspondent à l’ancienne dorsale océanique, des radiolarites ont été entrevues sans s’arrêter. Ces éléments confirment qu’il y a eu obduction du plancher océanique. L’orientation des pillows, la position inférieure du pédoncule montrent qu’il n’y a pas eu de retournement de la nappe.

        Le basalte d’un pillow a été métamorphisé avec apparition de chlorite et d’un filon de quartz, ce métamorphisme est lié à la tectonique alpine.

 

3 – Corte.

            Corte est à la limite entre la Corse ancienne et la Corse alpine. Cette dernière est en fait la plaine au NE de la Corse qui forme un ensemble de nappes charriées au crétacé et à l’éocène sur la Corse granitique ou hercynienne. Le granite représente l’autochtone, les flyschs de l’éocène représentent le para autochtone.

            Depuis le belvédère, bonne vue sur la citadelle qui repose sur des roches vertes, des ophiolitiques bien sûr, et à l’W des écailles ayant un fort pendage vers l’E assez faciles à identifier qui reposent sur le socle cristallin que l’on voit en arrière plan. Le para autochtone est peu visible entre le granite et l’écaille du crétacé.

            Il y a un contact anormal entre le para autochtone de l’éocène situé sous les conglomérats verts du crétacé et au-dessus une série inversée de crétacé, lias et trias appelée l’unité de Corte. (voir figures 4.6). Il y a enfin un dernier contact anormal entre les ophiolites sur lesquelles est construite la citadelle et l’unité de Corte. La coupe 4.2(1) met bien en évidence les écailles de Corte et le charriage associé.

Le fait que la série soit retournée est probablement associé au charriage. Par exemple avec la formation d’un pli qui se serait couché lors du charriage dont nous ne retrouverions plus que la partie inférieure comme dans le schéma ci dessous.

 

 

 

 

 

 

  

 


            Le pique nique dans les gorges de la Restonica est l’occasion d’une baignade dans l’eau fraîche du torrent. Les marbres de la vallée ont été exploités.

 

4 – Pont de la Sedula.

            En descendant du col de Vizzavona, nous faisons un arrêt au pont de la Sédula. Dans le torrent et dans les talus environnants, nous trouvons des blocs de diorite avec leurs aiguilles d’amphibole et les cristaux de feldspath et un peu de mica visible, il y a aussi des granodiorites. Dans certaines de ces diorites, on trouve de grenats de belle taille, parfois un peu corrodés.

 

 

Jour 5 – 09 septembre : Santa Lucia, Levie, Loretto, Sartène, Campomoro

 

1 - Santa Lucia di Tallano

            Montée au village de Santa Lucia célèbre pour sa diorite orbiculaire (corsite). Les filons connus sont aujourd’hui épuisés, la roche est donc rare et chère pour ceux qui veulent en acheter. Nous avons pu néanmoins en voir deux beaux exemplaires polis l’un au monument aux morts sur la place, l’autre le lendemain à Zonza.

            Les analyses chimiques et minéralogiques ont montré que cette roche est d’ailleurs un gabbro (présence de pyroxènes et les amphiboles sont en fait des pyroxènes altérés). Les conditions certainement très particulières de sa cristallisation ne sont pas connues .

              Dans ce village, des moulins produites de l’huile d’olive très parfumée, la méthode corse est de laisser mûrir les olives sur les arbres et de les recueillir dans des filets sous les arbres plutôt que de les récolter vertes sur l’arbre.

 

2 - Levie

            A la sortie du village, des blocs de roche noire sont visibles sur le bord de la route, il s’agit de filons de roche basique entièrement cristallisée avec une répartition et une orientation aléatoire : c’est une diorite aux grains fins appelée pierre noire de Levie. Les éléments qui brillent au soleil sont des pyroxènes.

 

3 - Loretto

            Dans une ancienne carrière à l’entrée de Loretto, nous trouvons des blocs de gabbro orbiculaire moins beaux que la diorite de Santa Lucia mais qui font le bonheur des géologues amateurs que nous sommes. Les blocs sont assez gros et la roche très dure!

 

4 - Campomoro

            Après un court arrêt pour visiter Sarténe où les maisons sont construites directement sur le granite, nous gagnons Campomoro pour une étude approfondie de sa plage en fin d’après midi avant d’aller pique niquer au soleil couchant sur les rochers de la Punta di Campomoro. Le spectacle est très joli avec de très grands tafonis.  

 

Jour 6 – 10 septembre : Bonifacio, Balistro

 

1 – Bonifacio

            Seul épisode pluvieux du voyage lors de notre arrivée à Bonifacio. Dans la molasse qui affleure au pied de la citadelle nous trouvons des morceaux de coraux, des débris de coquilles, des grains de quartz, des morceaux de granite, des algues fossilisées…. Les produits d’érosion ont été transportés par un fleuve et ils se sont accumulés dans un delta en se mélangeant avec des débris maritimes. La zone de Bonifacio correspond à un effondrement entre les massifs granitiques que nous avons traversés en arrivant. La présence d’algues fossilisées prouve que la profondeur était compatible avec la photosynthèse soit moins de 40m. L’ensemble est bloqué par un ciment calcaire et donne une molasse gréseuse avec des niveaux plus calcaires plus durs et des niveaux plus argileux ou plus gréseux plus tendres donc plus attaqués par l’érosion.

Heureusement la pluie ne dure pas et après une visite de la citadelle sous une légère pluie nous pouvons embarquer sur un bateau et aller admirer de la mer les falaises de calcaire très blanc du miocène et quelques calanques. Dans la dernière de ces calanques, nous pouvons voir le contact direct entre les molasses miocènes et le granite du socle.

Dans la falaise, on voit très bien les discordances qui correspondent généralement à de la progradation. On peut même voir des chenaux et quelques slumps.

 

2 – Etang de Balistro.

            Nous gagnons ensuite l’étang de Balistro pour le pique nique sur une très belle plage et la baignade dans une eau limpide.Derrière la plage, la falaise calcaire repose sur des couches rose et grises de cendres . Parcourir les rochers de molasse miocène tombés de la falaise dans la mer permet de voir de nombreux et gros fossiles, sans pouvoir les extraire: pectènes, huîtres, oursins, coraux …

 

 

Jour 7 – 11 septembre : Bavella, Ospédale

 

            Journée de transit entre la région de Propriano et Porto Vecchio avec une belle balade dans les aiguilles granitiques de Bavella.

En passant à Zona, nous sommes allés au cimetière voir une croix taillée dans la diorite orbiculaire et en montant le long de la rue nous avons longé des affleurements et granit gris clair à grain assez fin incluant des grosses taches d’un gris plus foncé. Il s’agit d’enclaves d’une roche plus basique l’ensemble correspondant à un « mélange » de deux magmas non miscibles qui ont refroidi simultanément.

 Comme le Cinto à Bonifatu, le massif de Bavella est un complexe annulaire et le col de Bavella est au cœur de la structure. Les aiguilles de granite rose à grain fin sont orientées par un système de failles qui recoupent le complexe annulaire.

La descente du gîte de Cartalavanu jusqu’au village de l’Ospédale traverse une forêt où des dykes rhyolitiques sont bien visibles. La région de Porto Vecchio est très riche en dykes rhyolitiques.

 

 

Jour 8 – 12 septembre : cascade di Gallu   , plage de Tamaricciu

 

            La journée commence par une randonnée dans les rochers granitiques (monzo granite) qui surplombent le gîte. Ces rochers très arrondis sont un bon exemple d’érosion granitique.

 

Balade à la cascade di Gallu qui est dans les granites. Puis pique nique et baignade sur la plage de Tamaricciu au S de Porto Vecchio. Dans les rochers sur le coté de la plage, on trouve des filons de rhyolite bien rouges qui descendent jusqu’à la mer dans un ensemble de granites très clairs. Il y a aussi quelques beaux tafonis.

 

 

Jour 9 – 13 septembre : Gorges de la Solenzara, source d’Orezza, piedipartino pierre verte

 

            Retour à Bastia pour reprendre le ferry vers le continent. Nous prenons le chemin des écoliers en retournant au col de Bavella et en descendant les gorges sur la D268 menant à Solenzara. La route serpente dans une vallée étroite très encaissée entre deux arêtes granitiques qui sont en fait deux éléments de l’anneau intrusif du complexe annulaire de Bavella. La très belle forêt est peuplée de pins laricios.

            La remontée du ruisseau de Polischellu permet d’admirer l’une des nombreuses cascades et vasques d’eau qui s’étagent au long de descente.

            Après la baignade dans une poche d’eau de la Solenzara nous descendons pour trouver la plaine alpine à l’E de la Corse. Nous remontons jusqu’à Urbino pour déguster le poisson dans un restaurant sur la mer.

            L’après midi, nous montons jusqu’à la source d’eau d’Orezza. C’est une eau très riche en manganèse et légèrement pétillante. Pour sa commercialisation, elle est partiellement déminéralisée car nous en avons rempli à la source une bouteille transparente qui était le lendemain nettement couleur rouille! Toute cette région de haute Corse où nous circulons (la Castagniccia) pour monter à la source d’Orezza puis lorsque nous montons jusqu’à Piedicroce puis Piedipartino est très accidentée et très boisée ce qui contraste avec la sécheresse les zones montagneuses que nous avons traversées à la même latitude sur la cote E. La montagne est parsemée de petits villages très typiques et très jolis accrochés sur les hauteurs et qui semblent trouer la forêt.

 

Pierre verte de Corse.

            Sur la route au-dessus de Piedicroce, nous trouvons l’affleurement de roche verte de Corse qui est un gabbro saussuritisé. La chlorite a fortement teinté de vert les feldspaths ce qui en fait un gabbro très vert. Le vert est renforcé par la transformation de certains pyroxènes en amphiboles. On est dans le domaine de métamorphisme des schistes verts .

 

           

SYNTHESE.

 

            Voir histoire géologique de la Corse en (3.1).

            Ce que nous a dit Mathieu au retour sur le bateau reprend l’histoire géologique de la Corse au travers des sites que nous avons vu.

            L’histoire de la Corse occidentale est essentiellement hercynienne. La chaîne hercynienne est née de la convergence de deux masses continentales qui ont formé la Pangée, elle s’étendait des Appalaches à l’Oural.

            Les granitoïdes de la Corse hercynienne font partie du batholite Corso sarde, les terrains antérieurs sont rares et très métamorphisés: nous avons vu les gneiss de Belgodère, il y a aussi des amphibolites prises dans des micaschistes près de Galéria que nous n’avons pas vus et qui ont été datés de 750Ma (ce qui les rattache plutôt au cycle calédonien plus ancien que le cycle hercynien).  Le granite le plus ancien est magnéso potassique, il est appelé U1 et occupe tout le NW de la Corse (voir fig 5 page 11), il est daté de 340 à 320Ma.

            L’érosion a fortement diminué l’épaisseur de cette couche granitique ce qui a provoqué une baisse de pression a la partie inférieure et la fusion partielle de certaines roches. Cette érosion est à l’origine des conglomérats qui se trouvent notamment dans la vallée du Fangu et du charbon de Osani (nous n’avons pas eu le temps d’y aller). Le magma calco alcalin remonte dans des fissures et donne le granite U2 daté de 310 à 280Ma.

            Avec la dislocation de Pangée due à un effet thermique de convection dans le manteau et au déséquilibre dans la rotation de la Terre apporté par cette grande masse lithosphérique, l’étirement  de la croûte continentale dans la région provoque une nouvelle baisse de pression qui entraîne la formation de magma et l’apparition des complexes alcalins anorogéniques comme Bonifatu. Le magma rhyolitique dégaze lors de sa remontée dans les failles ce qui le rend encore plus visqueux ; la rhyolite se dépose sur le granite des caldeiras existantes entraînant leur effondrement. Ce processus se renouvelle plusieurs fois avec des émissions de nuées ardentes à l’origine des ignimbrites que nous avons pu voir à Scandola (un peu seulement à Bonifatu mais elles sont abondantes plus haut que le refuge de Carruzzo dans le Cinto). Le granite U3 résulte de ce dernier épisode, il est très alcalin car il a traversé une épaisseur significative de la croûte continentale. Il est daté de 240 à 250Ma.

            Les marges du continent Laurasia s’enfoncent, naissance de Thétys qui recouvre une partie du continent dont la Corse et apparition d’un plancher océanique (voir pillows lavas). Peu de sédiments se déposent sur ce qui sera la partie W de la Corse pour cause de profondeur insuffisante. Avec l’ouverture de l’Atlantique, il y a fermeture de Thétys, subduction et enfoncement de sédiments qui donneront les schistes lustrés. Dans certaines zones (Corte par exemple), les sédiments refusent de s’enfoncer ce qui provoque des charriages voire même des rétrocharriages. Une partie du plancher océanique ne s’enfonce pas et passe en obduction (Cap Corse), une partie du plancher océanique qui s’enfonce se métamorphise et est dégagé par l’érosion ou peut être remonte (exhumation): prasinites. Les sédiments que l’on trouve par exemple à l’extrémité du Cap Corse sont identiques à ceux que l’on trouve à Corte et ils sont le fruit d’un rétrocharriage qui s’est produit lors de l’obduction du plancher océanique.

            La collision de l’Apulie avec Laurasia provoque l’orogenèse alpine. Sous l’effet de poinçon qui se produit, l’ensemble corso sarde se détache du continent (20Ma) et un plancher océanique apparaît (bassin provençal) avec de grands bassins d’effondrement associés au rifting : St Florent, Balistro, Bonifacio…

            Les sources d’eau thermales telles que celle d’Orezza sont le fruit du lessivage des roches granitiques, dans des fissures ou en surface des couches, elles remontent ensuite à une température de 25 à 35°C. La Corse est riche en minerais pas assez importants pour être exploités, ils sont en général d’origine hydrothermale.

 

 

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